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29 mai 2020

Les maîtres dont le chien a un cancer sont plus avides d'informations sur la santé, l'alimentation et les suppléments nutritionnels que les autres

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Principales sources d'informations citées par les maîtres de chien en bonne santé ou atteint d'un cancer, selon le sujet de leur besoin d'information. Les astérisques signalent une différence significative entre ces deux groupes de répondants (LeFil, d'après Bianco et coll., 2020).
Principales sources d'informations citées par les maîtres de chien en bonne santé ou atteint d'un cancer, selon le sujet de leur besoin d'information. Les astérisques signalent une différence significative entre ces deux groupes de répondants (LeFil, d'après Bianco et coll., 2020).
 

Les maîtres dont le chien est cancéreux se veulent aux petits soins avec leur animal et au top de l'information sur l'alimentation conçue comme naturelle, selon une étude conduite par des cliniciens et épidémiologistes de la faculté vétérinaire de Guelph (Canada). Leur objectif de départ était de connaître les sources d'informations consultées par les maîtres de chiens, que celui-ci soit bien portant ou cancéreux. Ils montrent qu'ils sont en demande d'un conseil nutritionnel et d'un guide sur les suppléments, des anti-oxydants aux dérivés du cannabidiol. Et comme « les cancers sont considérés comme la première cause de mortalité des chiens adultes » à la fois outre-Atlantique et outre-Manche, cela représente une proportion significative des propriétaires.

Changer d'alimentation

Dans une enquête antérieure, ils avaient déjà observé que 80 % des propriétaires dont le chien venait d'être diagnostiqué avec un cancer « croient que l'alimentation de leur chien doit être modifiée à la suite de ce diagnostic, en faveur d'une ration ménagère ou d'un régime BARF » (à base d'aliment cru biologiquement approprié, ou biologically appropriate raw food). Du fait des carences possibles induites par de tels régimes, les auteurs estiment « nécessaire que le clinicien surveille les décisions alimentaires de ces maîtres, et de cibler leurs besoins en information (…) et éducation ». D'autant qu'en changeant l'alimentation de leur animal, ils « y ajoutent de nombreux suppléments », dont les critères de choix paraissent être le fruit des lectures des maîtres. Pour mieux cerner la façon d'y parvenir, ils ont donc construit une nouvelle enquête, en ligne.

Salles d'attente

Le formulaire comportait 51 questions, dont 28 à choix multiples, 9 où il suffisait de répondre par un seul mot et 14 où la réponse était totalement ouverte. La partie interrogeant les maîtres sur le temps passé à rechercher des informations en lien avec leur animal (santé, nutrition, cancer, etc.) précédait les autres, y compris celle des détails de l'identité de l'animal. Ensuite venait le statut de l'animal au regard du cancer : dans l'affirmative, plus de détails sur la nature de la pathologie et du traitement étaient de mandés ; autrement, le répondant se voyait demander s'il changerait de comportement dans la façon de nourrir son chien si un diagnostic de cancer venait à être établi. Enfin, il était demandé à tous de décrire la ration de leur animal et les suppléments nutritionnels éventuellement utilisés. Les détails de chaque supplément étaient demandés, de sorte que les participants les plus brefs ont répondu à 25 questions, mais le record est à 177 réponses… Les répondants ont été recrutés entre octobre 2018 et février 2019, en salle d'attente :

  • du centre d'oncologie de l'université, pour les maîtres de patient cancéreux,
  • du centre de soins de routine pour les autres.

Ils pouvaient se renseigner et prendre un dépliant (ou se le voir remettre) comportant un lien vers le questionnaire, de façon à y répondre depuis chez eux. Le questionnaire a également été partagé sur des groupes d'intérêt pour la santé canine dans les médias sociaux, mais sur une durée plus brève (1 mois).

Le praticien, le plus consulté

Si 640 questionnaires ont été remplis, seuls 345 étaient exploitables. Les répondants étaient en grande majorités non clients de l'université (venus au questionnaire via les réseaux sociaux). La majorité (n=213) indiquaient que leur chien était en bonne santé, les autres (n=132) qu'il avait été diagnostiqué avec un cancer. La majorité provenait des USA (44,9 %) et du Canada (29,6 %). Quelle que soit la santé du chien, la première source d'information (en fréquence) reste le vétérinaire traitant (voir l'illustration principale). Toutefois, cela ne paraît pas suffisant aux maîtres de chiens cancéreux puisqu'ils sont justement significativement plus nombreux à consulter aussi :

  • sur les sujets de santé canine en général (p<0,001),
  • sur le sujet de la ration alimentaire de leur animal (p<0,01),
  • et sur celui des suppléments nutritionnels (p<0,001).

Pour cela, ils sont plus fréquemment en recherche sur les réseaux sociaux et sur les blogs (mais dans ce dernier cas seulement pour les suppléments). Ils sont en revanche significativement moins nombreux à se renseigner auprès des animaleries. Pour les auteurs, les praticiens gagneraient à aller à la rencontre de cette demande d'informations, « en les orientant vers des sources fiables et accessibles, y compris en urgence et dans des situations bénignes où une orientation est nécessaire ».

Changement de régime

La sensibilité au sujet de la ration alimentaire chez les maîtres de chiens atteints de cancer apparaît avec l'analyse statistique de ces réponses :

  • un chien recevant une ration BARF était 2,2 fois plus souvent un chien ayant un cancer (son maître ayant changé de ration après le diagnostic),
  • un chien recevant une ration ménagère était 4,4 fois plus souvent un chien ayant un cancer (de même).

Au bilan, « les propriétaires de chien présentant un cancer ont un penchant à nourrir leur animal avec une ration non conventionnelle ». Ils s'en inquiètent « particulièrement pour des patients cancéreux » car « une analyse des recettes de rations ménagères a montré que la majorité n'était pas équilibrée pour au moins un nutriment essentiel ».

Plus de suppléments

Pour les auteurs, le recours au supplément illustre les résultats des recherches d'informations des propriétaires : ce sont les mêmes composés que ceux évoqués en humaine. Ainsi, un chien ayant un cancer recevait un nombre médian de 3 suppléments et un chien en bonne santé un nombre médian de 2 ;  le nombre maximal renseigné de suppléments pour un chien était de 15 (bonne santé) et 20 (cancer). De même, le nombre total de suppléments renseigné par les maîtres des deux groupes était de 226 et 279, respectivement. Les plus fréquents étaient :

  • les acides gras oméga 3 d'origine marine (9 % des chiens malades en recevaient, mais 14 % des chiens en bonne santé, p<0,05),
  • les produits à base de champignons (8 % et 1 %, p<0,05),
  • les compléments minéraux et vitaminiques (8 % et 1 %),
  • les produits du cannabis (8 % et 4 %, p<0,05),
  • glucosamine et chondroïtine (6 % et 21 %),
  • produits immunomodulateurs (5 % et 1 %),
  • curcumin (5 % et 2 %),
  • probiotiques (5 % et 9 %)…