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27 mai 2020

Le covid-19 fait chuter l'équine déjà fragile depuis 5 à 10 ans, avec moins de chevaux mais… plus de jeunes vétos

par Eric Vandaële

Temps de lecture  9 min

Le cheval plonge avec le covid-19.
Ce n'est plus une chute mais un plongeon. L'impact du covid-19 fait plonger la filière équine qui perd 80 % de ses revenus depuis la mi-mars. La filière équine était déjà en déclin de 1 à 2 % sur le nombre de chevaux, de naissances ou de cavaliers depuis 5 à 10 ans. Photo Wikimedia du cheval plongeur au Hanlan's Point Amusement Park, Toronto, Canada vers 1907 (photo conservée aux archives de la ville de Toronto).
Le cheval plonge avec le covid-19.
Ce n'est plus une chute mais un plongeon. L'impact du covid-19 fait plonger la filière équine qui perd 80 % de ses revenus depuis la mi-mars. La filière équine était déjà en déclin de 1 à 2 % sur le nombre de chevaux, de naissances ou de cavaliers depuis 5 à 10 ans. Photo Wikimedia du cheval plongeur au Hanlan's Point Amusement Park, Toronto, Canada vers 1907 (photo conservée aux archives de la ville de Toronto).
 

Déjà fragilisée et en déclin depuis presque dix ans, la filière équine est sans doute la plus touchée par la crise sanitaire du covid-19 de toutes les filières animales. Les productions animales ont en effet été classées comme « sur le front du covid-19 », même si les comportements alimentaires (et les marchés associés) ont été fortement perturbés par l'arrêt de la restauration collective au profit des circuits courts. Et le marché lié aux animaux de compagnie n'a pas vraiment été touché de manière significative, moins que les cliniques vétérinaires qui les soignent dont le chiffre d'affaires a environ baissé de 25 % en avril. L'acquisition d'un animal de compagnie a toutefois été reportée du fait de l'interdiction des déplacements. Mais rien de vraiment très grave.

À l'inverse, la filière équine ne sortira sans doute pas indemne de la crise. À la demande du ministre de l'agriculture, l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE, anciennement « Haras nationaux ») a déjà réalisé une première analyse de l'impact économique du covid-19 sur la filière à partir des résultats économiques obtenus sur 2430 structures (sur les 3900 ayant répondu à l'enquête).

Une perte de 70 % à 80 % de chiffre d'affaires

Les résultats de cette analyse sont inquiétants. Avec le confinement, toutes les structures subissent une perte de chiffres d'affaires de l'ordre de 70 % voire souvent 80 % par rapport à la même période l'an dernier. Autant dire que le chiffre d'affaires résiduel ne suffit pas à payer les charges courantes de la structure sans même parler de couvrir les salaires du personnel ou les rémunérations des gérants.

La perte est quasi-identique pour les centres équestres qui dépendent de la pratique de l'équitation de loisirs ou de sports que pour les entraîneurs qui sont liés à la tenue des courses hippiques.

  • En effet, tous les équipements de sport, même ceux pour l'équitation, sont fermés depuis le 14 mars. Beaucoup n'ont pas encore rouvert. Car tous les équipements ne peuvent être totalement en plein air : la sellerie se situe souvent dans un local fermé. Et la pratique de l'équitation dans un manège couvert ou semi-couvent n'est pas considérée comme un sport de plein air. En outre, les cours collectifs ou les randonnées ne doivent pas compter plus de 10 personnes. Cette pratique de l'équitation de sport et de loisirs représente une activité économique d'un peu d'un milliard d'euros par an et concentre 70 % des équidés français (43 % de chevaux et 25 % de poneys).
  • Le secteur des courses hippiques est presque autant handicapé que la pratique de l'équitation. Les hippodromes ont tous été fermés. Quelques courses hippiques sont désormais possibles, mais en « huis clos renforcé », donc sans public dans les hippodromes et avec un personnel réduit au maximum. Les courses de trot ont ainsi pu reprendre depuis le 11 mai, mais pas encore les courses de Galop. Le secteur des courses hippiques n'emploie que 15 % des chevaux présents en France. Compte tenu de l'importance des paris, plus de 9 millions d'euros à 99 % joués hors hippodromes, principalement dans les PMU, l'enjeu économique est près de 10 fois plus élevé que dans les loisirs équestres.

Le covid-19 fragilise davantage les plus grosses structures

Impact du covid-19 sur les revenus de la filière équine

Source : d'après des données de IFCE (mai 2020).

Les structures équestres les plus importantes, dans les centres équestres comme dans les courses hippiques, sont aussi les plus fortement touchées : une perte de 70 à 80 % de chiffre d'affaires en avril, versus 50 à 60 % pour les structures les plus petites.

Les revenus résiduels correspondent surtout au versement des pensions des chevaux de propriétaires toujours hébergés dans les centres équestres, les écuries de propriétaires ou les centres d'entraînement. Toutefois, lorsqu'ils le pouvaient, les propriétaires sont venus reprendre leurs chevaux pour les mettre au pré sans verser la pension d'hébergement et du travail du cheval.

Pour limiter les charges et mettre en chômage partiel le personnel, toutes les structures équestres ont tenté de mettre au pré leurs équidés, quitte à louer les pâtures correspondantes. Comme dans de nombreux autres secteurs, le personnel a ainsi été mis en chômage partiel. Et des délais de paiement des fournisseurs sont rallongés.

Les centres d'entraînement des galopeurs semblent un peu moins touchés : la perte n'est que de 50 % en moyenne. Car, dans deux cas sur trois, les équidés sont restés à l'entraînement. Chez les trotteurs, seuls un sur trois est resté à l'entraînement.

Dans les centres équestres, des dons et des cagnottes ont parfois été mis en place par les cavaliers en solidarité avec « leurs clubs ».

Le commerce des chevaux a aussi été réduit à néant durant cette période où les déplacements étaient interdits. De même, les rares exploitants des chevaux de trait pour le travail ont vu leurs revenus s'effondrer quasi totalement dès la mi-mars.

1,05 million d'équidés en France dont 700 000 chevaux et 250 000 poneys

Source : d'après les statistiques de l'annuaire écus 2019 (IFCE 2020).

Peu de temps avant cette crise, l'IFCE a publié son annuaire écus 2019 avec les statistiques détaillés de la filière équine actualisées avec des données de 2018 voire de 2019. Pour la première fois, cet annuaire fournit des effectifs totaux précis d'équidés présents en France fin 2018. La dernière estimation de l'IFCE datait de juillet 2019 sur la base des chiffres 2016.

En 2018, la France compte un peu plus d'un million d'équidés, 1,05 million plus précisément. En nombre d'équidés, la France est au second rang européen derrière l'Allemagne (1,3 million), mais devant le Royaume-Uni (944 000). La répartition ces équidés est la suivante :

  • 43 % sont des chevaux de selle et de loisirs et 25 % de poneys, soit les deux tiers du cheptel pour le sport et les loisirs, soit un effectif de 700 000 équidés de loisirs,
  • 15 % sont des chevaux destinés aux courses hippiques (soit environ 160 000),
  • 7 % sont des chevaux de trait, soit environ 70 000 têtes dont 8500 sont exportés chaque année vers l'Italie ou l'Espagne pour la consommation,
  • Et 10 % d'ânes.

Un tiers en clubs, un tiers chez des particuliers, un tiers en élevages

Les effectifs sont en chute de 10 % par rapport à 2012 avec une baisse des naissances (-22 %) et des importations (-18 %). Il est donc observé un vieillissement de la population équine, aujourd'hui de 9,9 ans contre 8,4 ans en 2008.

Un tiers (32 %) de ses effectifs sont en centre équestre, un second tiers (34 %) chez des particuliers (30 %) ou des cavaliers professionnels (4 %), un dernier petit tiers (30 %) dans des élevages. Il reste 4 % des effectifs (30000 équidés) chez des entraîneurs.

Le renouvellement est d'environ 70000 équidés par an.

  • Pour les entrées, il s'agit à 72 % de naissances et à 14 % d'importations. Le reste est constitué de régularisations a posteriori de naissances non déclarées.
  • Pour les sorties, il s'agit de décès dans les trois quarts des cas : 60 % d'équarrissage et 13 % d'abattage en vue de la consommation humaine. Le quart restant correspond à des exportations : 16 % en vue d'un abattage pour la consommation humaine dans l'Union européenne et 11 % pour des chevaux de sport ou de course.

Moins d'éleveurs et moins de poulains

En dix ans, le nombre d'éleveurs (qui a au moins une poulinière) a chuté de 28 % : de 42 000 éleveurs en 2008 à 30 400 en 2018 (- 2 % par rapport à 2017). Mais près de 80 % des éleveurs n'ont qu'une ou deux poulinières. Seulement 2300 ont 5 juments ou plus (soit 7,5 % des effectifs totaux). Seuls 21 000 éleveurs ont déclaré une naissance en 2018 (-1 % par rapport à 2017).

Les naissances sont aussi en baisse de 2 % en un an et de 20 % en sur dix ans avec 47 700 poulains nés en 2018 versus 59 700 en 2007. Ces baisses des naissances sont plus marquées chez les chevaux de trait (-44 %) et les ânes (-55 %) par rapport aux poneys (-8 %) et aux chevaux de selle (-12 %). La Normandie cumule 22 % des naissances (surtout dans l'ancienne Basse-Normandie) et chute beaucoup moins que les autres régions en nombre de poulains identifiés.

Les courses hippiques : une vache à lait qui s'épuise

Les courses hippiques sont en en quelque sorte la vache à lait de la filière équine en France. En 2018, les paris se sont élevés à 9,15 milliards d'euros, toujours en légère baisse depuis le record de 2012 à 10 milliards d'euros. Les paris sont à 88 % faits dans les PMU et à 1 % dans les hippodromes. Les paris en ligne sur internet (11 %) dépassent pour la première fois le seuil de 10 %. La France est au cinquième rang mondial sur le montant des enjeux, derrière le Royaume-Uni, mais devant les USA (dont les paris ont chuté de 11 % en un an). Les trois-quarts (74 %) des enjeux sont redistribués aux 5 millions de parieurs. L'État perçoit moins de 10 % des enjeux (832 millions €) et les institutions des courses 1,18 milliard €. Le Fond éperon de moins de 10 millions € permet de redistribuer une partie de ces prélèvements à la filière équine.

Plus d'une Française sur cent monte à cheval

Source : d'après des données de la FFE (fédération française d'équitation, 2020).

La pratique de l'équitation décroît depuis 2012 après avoir été multipliée par 4 entre 1984 et 2011-2012 principalement grâce aux poneys. Un peu plus de 700 000 cavaliers avaient une licence en 2011 et 2012 contre 150 000 en 1984. Mais, le nombre de cavaliers décroît depuis de 1 à 3 % par an pour s'établir à moins 620 000 licences en 2019 et à 575 000 en 2020 (chiffre provisoire).

Les licences « poneys » des enfants sont celles qui ont le plus augmenté entre 2000 et 2012 (+ 50 %) pour atteindre 350 000 licences. Ce sont aussi celles qui désormais diminuent le plus à moins de 280 000 aujourd'hui. L'effectif des cavaliers adultes est, à l'inverse, stable ou en faible hausse (+ 1 %).

En nombre de licences, l'équitation reste à la quatrième place du sport français derrière le football, le tennis et le hand-ball. Près d'un français sur 100 a une licence d'équitation. Il reste surtout le 1er sport féminin avec 83 % de cavalières. Cette féminisation ne s'est pas arrêtée ces dernières années.

Dans ce contexte en berne, la compétition équestre continue néanmoins de croître assez fortement en 2019 avec 126 600 épreuves (+ 30 % en cinq ans, + 84 % en dix ans). Le nombre de partants, d'organisateurs de concours ou de chevaux de compétition… augmente dans toutes les disciplines sauf en endurance. Le saut d'obstacles représente les deux tiers des épreuves et plus de 80 % des partants de toutes les épreuves.

Le chiffre d'affaires médian d'un centre équestre est de 98 000 € et dégage un excédent de 20 000 €. Tirée par les plus grosses structures, la moyenne est plus élevée : 126 500 € de chiffre d'affaires pour un excédent de 28 500 €. Seules les structures dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 000 € ont la capacité de financer des projets pour se développer. La pratique de l'équitation de sport et de loisirs génère des recettes estimées à 1,07 milliard € dont 878 millions € en enseignement et pension et 180 millions € en commerce de chevaux.

Les effectifs de vétérinaires équins en hausse

L'IFCE estime à 66000 le nombre d'emplois dont l'activité principale est liée au cheval. 80 000 emplois supplémentaires seraient aussi en partie liés au cheval. La précarisation des emplois directs s'accentue avec de plus en plus de CDD (45 %) et de contrats à temps partiel (23 %) ou en apprentissage (10 %). La féminisation de ces emplois augmente à 56 % qui sont aussi davantage précaires en CDD et/ou à temps partiel.

Dans son dernier atlas démographique, l'Ordre des vétérinaires estime à 2760 le nombre de vétérinaires équins exclusifs (635 inscrits), prédominants (389 inscrits) ou occasionnels (1736 inscrits). Ce nombre de vétérinaire équin est en augmentation significative régulière depuis longtemps (+ 10 % en 5 ans), même si les nombres de chevaux, d'élevages, de naissances… sont en baisse sur la même période. 54 % des vétérinaires équins sont des femmes. Les trois quarts d'entre elles sont âgées de moins de 40 ans. L'activité équine séduit donc davantage les jeunes consœurs (avec une moyenne d'âge de 36 ans) que les confrères dont la moyenne d'âge est de 47 ans pour l'activité équine.