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24 mars 2020

Spécial covid-19. « Restez confiné en allant travailler ! » Comment ne pas devenir schizophrène. C'est possible…

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Tableau récapitulatif des actes ou missions à différer ou à assurer pour les vétérinaires canins (et félins).
Compilation des recommandations de l'Ordre et des directives de la DGAL
Tableau récapitulatif des actes ou missions à différer ou à assurer pour les vétérinaires canins (et félins).
Compilation des recommandations de l'Ordre et des directives de la DGAL
 

Après une première semaine dite de confinement « covid-19 », les recommandations du week-end dernier ont pu apparaître cacophoniques voire contradictoires entre celles émises par l'Ordre des vétérinaires (voir ce lien), les informations diffusées par Syndicat des vétérinaires libéraux (SNVEL) et les directives de la Direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'agriculture aux vétérinaires sanitaires (voir ce lien).

Ces positions peuvent être résumées en trois phrases.

  1. L'Ordre encourage à limiter les activités aux urgences après un appel téléphonique pour mieux respecter et éviter les contacts et donc les contaminations.
  2. La DGAL encourage à conserver une activité et notamment les missions du vétérinaire sanitaire, sauf celles qui peuvent être différées.
  3. Et le syndicat appelle aussi les vétérinaires à « poursuivre le service aux usagers », un service « essentiel pour maintenir les soins aux animaux et garantir la qualité sanitaire des productions animales ».

Trois approches et trois préoccupations légitimes

Ces différents éclairages répondent à des préoccupations différentes qui sont toutes légitimes,

  1. L'Ordre des vétérinaires a fait de la santé publique sa priorité, Les vétérinaires et leurs salariés sont d'ailleurs dépourvus de moyens de protection satisfaisants, les masques entre autres. Le Président de la république a d'ailleurs souligné la nécessité absolue, « quoiqu'il en coûte » de respecter le confinement « pour gagner cette guerre sanitaire ».
  2. Le ministère de l'agriculture est évidemment préoccupé par le maintien d'une activité agricole essentielle à la nation et à son alimentation. Il ne serait pas acceptable de laisser des éleveurs dans l'impasse avec des animaux malades sans accès au service vétérinaire.
  3. Le syndicat des vétérinaires libéraux défend les intérêts économiques des cabinets et des cliniques. Il s'inquiète donc légitiment que les aides de l'État puissent être restreintes aux seules entreprises qui « subissent » une diminution de leurs activités, en excluant les entreprises qui « choisissent » délibérément de diminuer leurs activités pour protéger la santé de leurs clients ou leurs salariés d'une possible contamination.

Pour éviter de devenir schizophrène, ce Fil s'attache d'abord à souligner, sous forme de questions-réponses, les points de convergence entre ces approches, plutôt que les divergences.

Quels sont les actes vétérinaires à assurer et ceux à différer ?

Tableau récapitulatif des actes ou missions à différer ou à assurer pour les vétérinaires ruraux et équins

Compilation des recommandations de l'Ordre et des directives de la DGAL pour les vétérinaires ruraux et équinsen sus de celles du premier tableau pour les vétérinaires canins. 

Ces actes ou missions sont compilés dans les deux tableaux ci-dessus qui reprennent  les recommandations de l'Ordre des vétérinaires complétées par les directives de la DGAL. Au final, pour les vétérinaires canins, ruraux ou équins, les recommandations de l'Ordre ne sont pas incompatibles avec les directives de la DGAL.

Sur le fond, les directives de la DGAL concernent surtout les missions des vétérinaires dans le cadre de leur habilitation sanitaire. Elles s'ajoutent à celles de l'Ordre des vétérinaires qui s'adressent davantage à l'activité libérale.

Quels sont les ajouts de la DGAL ? La surveillance mordeur, la stérilisation des chats

Pour les animaux de compagnie, les ajouts de la DGAL portent surtout sur deux points : la surveillance des animaux mordeurs et la stérilisation des chats.

Pour surveillance des animaux mordeurs, la première visite et la troisième (et dernière) visite nécessitent l'examen de l'animal et ne peuvent être différées. En revanche, la visite intermédiaire à J7 peut être remplacée par un entretien téléphonique.

En outre, la DGAL considère qu'il convient de ne pas différer la stérilisation des chats dont l‘accès à l'extérieur ne peut pas être maîtrisé.

Enfin, les euthanasies sont aussi considérées comme des actes qui ne peuvent pas être différés, surtout si elles sont motivées par une grande souffrance de l'animal.

Que faire pour les actes non listés dans le tableau ? En apprécier l'urgence

Dans ce cas, l'appel téléphonique préalable du client devrait permettre au vétérinaire d'apprécier si l'acte peut ou pas être différée de plusieurs semaines et si les mesures barrières pourront ou pas être respectées.

La vente des médicaments et des aliments est-elle toujours possible ? Oui si

L'accès aux médicaments (humains ou vétérinaires) et aux aliments (pour nourrir les hommes ou les animaux) fait évidemment partie des activités essentielles pour la santé humaine ou animale.

Les vétérinaires ne tiennent pas « officine ouverte ». La prescription délivrance des médicaments vétérinaires est toujours possible à la suite d'un examen clinique (ou pour les productions animales, dans le cadre du protocole de soins, du BSE et du suivi sanitaire permanent). Pour le traitement des affections chroniques, une insuffisance cardiaque ou rénale, une arthrose…, les délivrances peuvent évidemment être renouvelées sans qu'il soit nécessaire de répéter les examens cliniques si l'état de l'animal est stable.

Pour les aliments, ces ventes s'inscrivent aussi comme « une activité accessoire à l'exercice de la médecine vétérinaire ».

Dans le cadre de cette crise, il conviendra d'évaluer si ces ventes de médicaments ou d'aliments s'inscrivent bien comme des « soins indispensables aux animaux qui ne peuvent pas être reportés », ou comme « des soins non urgents qui peuvent être différées ». Les clients qui souhaiteraient acheter des médicaments ou des aliments à la clinique devraient d'abord en faire la demande par téléphone.

Peut-on continuer à entrer librement dans une clinique ? Non

L'Ordre des vétérinaires a appelé à « suspendre le libre accès au public des structures vétérinaires » : cabinets, cliniques, CHV… Cela revient à fermer les portes des structures pendant les plages d'ouverture habituelles des structures, pour limier les contacts et les déplacements non nécessaires.

Toute activité vétérinaire doit-elle être stoppée ? Non surtout pas

L'Ordre n'appelle pas à fermer ou à stopper toute activité vétérinaire au sein de la structure ou en visites. À l'inverse l'Ordre demande que soient toujours assurées « la permanence et la continuité des soins », c'est-à-dire, les urgences et les gardes. Un appel téléphonique préalable est nécessaire pour évaluer l'urgence de la demande et la possibilité de reporter ou pas le rendez-vous. Toutefois, les vétérinaires contaminés (ou suspects de l'être) ne sont évidemment pas tenus d'assurer ces urgences. Ils doivent alors se signaler comme malades dans auprès de leurs Conseil régional de l'Ordre.

L'activité vétérinaire ne fait d'ailleurs pas partie des activités interdites par l'arrêté du 14 mars 2020, correspondant aux annonces du premier ministre du samedi 14 mars au soir qui ordonnait la fermeture des commerces non essentiels. Comme beaucoup d'autres activités professionnelles, l'exercice vétérinaire n'est donc pas interdit ni dans les structures, ni chez les clients (notamment en élevages).

Quelles sont les obligations de l'employeur pour ses salariés ?

Le Code du travail impose à l'employeur « d'assurer la sécurité et la protection de la santé de son personnel » (article L. 4121-1 du Code du travail). Selon le ministère du travail, « avec le passage au stade 3 de l'épidémie, le télétravail devient la norme pour tous les postes qui le permettent ».

Si ce n'est pas possible comme dans une clinique vétérinaire, « l'employeur doit alors néanmoins garantir la sécurité de ses salariés ». Le ministère du travail ajoute que l'employeur « doit impérativement faire respecter les règles de distanciation [au moins un mètre] et les gestes barrière et limiter les regroupements de salariés dans des espaces réduits ».

Comment appliquer les mesures barrières sans masque ?

L'application des mesures barrière, la distance d'un mètre minimum, le lavage des mains ou le gel hydroalcoolique, sont évidemment toujours à respecter pour les actes qui sont conservés.

Mais force est de reconnaître que cette distance minimale d'un mètre ne peut pas toujours être respectée, ne serait-ce que pour maintenir un animal sur une table de consultation. Le gouvernement n'a malheureusement pas souhaité que les vétérinaires bénéficient des masques de protection comme les médecins ou les autres soignants qui sont dans l'obligation de s'approcher à moins d'un mètre de leurs patients.

Les déplacements étant interdits, comment se rendre à la clinique ?

Comme cela est répété depuis mardi dernier, le décret qui interdit les déplacements prévoit des dérogations.

  • Pour les vétérinaires, le caducée ou la carte professionnelle sont a priori acceptés. Toutefois, les forces de police n'acceptent pas toutes ces justificatifs, il est donc prudent de se munir d'une attestation.
  • Pour les ASV, elles doivent disposer de l'attestation de l'employeur à validité permanente.
  • Pour les clients, l'attestation classique valable pour un seul déplacement est exigée pour se rendre chez un vétérinaire en cochant la case « besoins des animaux de compagnie » [ou, pour les éleveurs, la case « achats nécessaires à l'activité professionnelle »].