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20 août 2019

Les vétérinaires traitent une infection urinaire si elle est probable à 82 %. Dès 13 %, le diagnostic est affiné par des examens complémentaires.

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Dans le scénario correspondant à l'hypothèse d'une infection urinaire chez un chien, un prélèvement d'urines par cystocentèse pour culture bactérienne était l'une des options proposées (cliché : culture d'E. coli à partir d'un prélèvement d'urine, source Wikimedia).
Dans le scénario correspondant à l'hypothèse d'une infection urinaire chez un chien, un prélèvement d'urines par cystocentèse pour culture bactérienne était l'une des options proposées (cliché : culture d'E. coli à partir d'un prélèvement d'urine, source Wikimedia).
 

L'étude avait pour objectif d'identifier les critères cliniques utilisés par les vétérinaires pour leur prise de décision face à 6 affections courantes en pratique canine et féline : nouveaux examens complémentaires ou traitement. Elle n'aboutit finalement à les déterminer que pour 2 d'entre elles, les infections urinaires et les obstructions gastro-intestinales, chez le chien.

Vers plus de preuves et moins d'intuition

Pour les auteurs de ces travaux (des cliniciens et chercheurs américains et suisses), « les vétérinaires, comme les autres professionnels de santé, établissent souvent leur choix sur la base d'informations imparfaites ou incomplètes. Ils s'appuient sur leur formation et leur expérience clinique, ainsi que sur la probabilité des diverses hypothèses diagnostiques possibles, lorsqu'il s'agit de décider d'en écarter une, de réaliser des examens complémentaires ou de traiter ». L'évolution proposée par la médecine par les preuves (evidence-based medicine) amène à chercher à s'appuyer en priorité sur les données de la science plutôt que sur un raisonnement intuitif, personnel. L'objectif ultime de cette étude pilote est ainsi de connaître les critères décisionnels utilisés en pratique courante, afin de pouvoir établir des recommandations sur les conduites à tenir.

Les auteurs exploitent ici un modèle existant, à deux seuils :

  • le seuil de test (testing threshold), qui correspond à un niveau de probabilité d'une maladie à partir duquel le praticien réalise des examens pour confirmer le diagnostic (en-dessous, d'autres hypothèses sont explorées) ;
  • et le seuil thérapeutique (test-treatment threshold), correspondant à une probabilité telle aux yeux du praticien qu'il entreprend son traitement (sans examens supplémentaires).

Leurs résultats sont publiés dans le numéro du 10 août du Veterinary Record (article en libre accès).

Près de 300 participants

Le protocole d'étude consistait à décrire succinctement le « cas clinique » associé à chaque hypothèse diagnostique (commémoratifs, anamnèse, examens réalisés). Le niveau de probabilité de cette hypothèse diagnostique (au vu des données médicales du cas) était assigné de manière aléatoire (randomisée) à chaque répondant. Les vétérinaires participants indiquaient alors l'étape suivante qu'ils auraient choisie : examen médical ou chirurgical complémentaire, ou traitement de première intention (voir tableau ci-après).

Les 6 affections étudiées étaient, chez le chien, une panostéite, une hypothyroïdie, une infection du tractus urinaire, une obstruction digestive (d'origine mécanique), une épilepsie idiopathique et, chez le chat, une maladie rénale chronique. La probabilité variait de 2 à 98 % pour les maladies pour lesquelles le diagnostic peut être établi sans examens complémentaires poussés. Elle était limitée à 75 % voire 65 % pour celles où le diagnostic de certitude nécessite des investigations spécifiques (l'épilepsie et l'hypothyroïdie, par exemple).

Les vétérinaires étaient interrogés par le biais d'une enquête en ligne. Près de 300 réponses (297 exactement) ont pu être exploitées.

 

4 scénarios sans seuils établis

Les résultats ont permis d'établir les seuils de test et de traitement pour deux des maladies proposées.

  • Infection urinaire basse : le seuil de test est une probabilité de 12,8 % et le seuil thérapeutique une probabilité de 82 % ;
  • Obstruction digestive : les seuils sont respectivement des probabilités de 3,2 % et de 87,3 %.

Quelques variations sont observées suivant le profil des répondants (homme ou femme, encore interne, d'activité généraliste ou spécialisée, etc.).

Pour les autres maladies, les réponses n'ont pas permis l'établissement de ces seuils. Face à une hypothèse de maladie rénale chronique féline, par exemple, même si la probabilité que le chat en soit atteint est au maximum proposé (75 %), la quasi-totalité des répondants (90 %) choisissent encore d'affiner le diagnostic. Selon le modèle d'étude, les seuils de test et thérapeutique sont inexistants : les vétérinaires affinent « toujours » leur diagnostic, avant d'écarter ou de traiter une maladie rénale chronique.

Inversement, dans le scénario proposé pour l'épilepsie idiopathique (sur un chien de 2 ans ayant présenté une première crise), l'hypothèse est « toujours » écartée en première intention, plutôt que de conseiller une IRM ou d'instaurer un traitement antiépileptique.

Des seuils « raisonnables » ou plus inattendus

Les auteurs s'étonnent du relativement faible seuil de test associé aux infections urinaires (13 %). Ils interprètent le seuil élevé de traitement (82 %) aux réserves qu'ont les praticiens à prescrire des antibiotiques sans diagnostic de certitude.

En revanche, ils considèrent « raisonnables » les seuils observés quant aux obstructions digestives, plus courantes chez le chien et potentiellement fatales, d'où l'importance de ne pas passer à côté (ce qui explique le seuil de test particulièrement bas). Le haut seuil thérapeutique serait en lien avec un traitement chirurgical qui n'est lui-même pas sans risque.