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17 juillet 2019

Six cas de tuberculose féline (et un cas humain) en lien avec un aliment cru du commerce

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Emplacement et bref historique des 6 cas cliniques de tuberculose féline à M. bovis identifiés sur le second semestre de 2018 outre-Manche (83 % de létalité). Tous ces cas présentaient une masse abdominale, et consommaient exclusivement ou pour partie de leur ration un aliment cru de la même marque. En bleu figurent les comtés à risque élevé du tuberculose bovine ; en vert ceux à risque faible (LeFil, d'après O'Halloran et coll., 2019).
Emplacement et bref historique des 6 cas cliniques de tuberculose féline à M. bovis identifiés sur le second semestre de 2018 outre-Manche (83 % de létalité). Tous ces cas présentaient une masse abdominale, et consommaient exclusivement ou pour partie de leur ration un aliment cru de la même marque. En bleu figurent les comtés à risque élevé du tuberculose bovine ; en vert ceux à risque faible (LeFil, d'après O'Halloran et coll., 2019).
 

Six jeunes chats vivant tous exclusivement en intérieur dans 5 domiciles anglais différents- et relativement distants – ont été trouvés infectés par Mycobacterium bovis… Une éclair dans un ciel serein, dans ce pays où cette bactérie a déjà été démontrée comme passant du chat à l'Homme, en 2013. Au point que l'auteure principale de la publication où sont détaillés ces six cas, professeurs de médecine féline à l'université d'Édimbourg (Royaume-Uni), n'était plus joignable dans les semaines suivant la mise en ligne de l'article scientifique. L'addendum à l'article explique : « le nombre de cas inclut à présent au moins 30 domiciles et plus de 90 chats ».

> 1 % de mycobactériose

Parmi les facteurs expliquant la sensibilité du sujet, figure celui de la tuberculose bovine, qui est un problème sanitaire persistant en Angleterre, où environ 10 % des troupeaux laitiers sont sous APDI. Et la tuberculose féline n'est plus anecdotique : « plus de 1 % des soumissions de biopsies pour histologie en routine présentent des modifications compatibles avec une mycobactériose, dont il est considéré qu'il s'agit d'une sous-estimation de la prévalence réelle » écrivait déjà la même auteure principale dans un article de synthèse en 2017. Elle ajoute dans la présente publication qu'un tiers de ces lames présentent « des organismes positifs à une coloration de Ziehl-Neelsen ». Seuls 15 % des cas avérés sont liés à M. bovis, « en lien géographique étroit avec les sites où la tuberculose à M. bovis est prévalente chez les bovins et dans la faune sauvage ». Le restant des cas est lié, pour un tiers du total, à M. tuberculosis (agent de la tuberculose humaine) et 19 % à M. microti. Dans la quasi-totalité des cas, l'infection est d'abord cutanée (en lien avec les bagarres) et produit des granulomes, avant d'être systémique (ganglionnaire et/ou pulmonaire ).

13 cas chez des chats ne sortant pas

Dans un premier temps, l'auteure a identifié en août et septembre 2018 trois cas cliniques de tuberculose féline à M. bovis chez des chats de race, ne sortant jamais, et présentant une forme abdominale de l'infection. Leur domicile était différent, mais ils avaient en commun d'être alimentés avec une même marque d'aliment cru du commerce (type ration ménagère pré-préparée). Dès le second cas (24 septembre 2018), l'auteure a alerté les services britanniques de santé animale pour rechercher l'origine de ces contaminations. Une semaine plus tard, les services de santé publique étaient alertés et le 10 octobre, une première suspicion sur une origine alimentaire a été adressée au fabricant de l'aliment. L'auteure a ensuite lancé un appel aux praticiens britannique via un courrier des lecteurs dans le Veterinary Record et dans le Veterinary Times. Elle a ainsi identifié trois autres cas entre le 29 octobre et le 14 novembre. Avec le double cas dans un foyer, c'est au total « six cas cliniques, demeurant dans 5 foyers, et 7 autres cas sur des chats en contact », soit 13 cas au total, qui sont documentés dans la publication. Un seul des 5 domiciles identifiés est situé dans une zone à risque élevé de tuberculose bovine. Les 4 autres sont situés en zone de faible risque (voir l'illustration principale). Au plan clinique, ils présentaient tous (sauf la femelle qui présentait une atteinte respiratoire) une masse abdominale, par la suite confirmée comme une hypertrophie des ganglions mésentériques.

Cas humains

Comme le test à la tuberculine est inefficace chez le chat, le diagnostic a été réalisé par PCR et/ou par test à l'interféron gamma, en plus des données de l'histologie et de l'imagerie de ces cas. Tous confirmés, ces cas ont été déclarés aux autorités. En revanche, la réglementation n'impose pas de mesures aux propriétaires (à la différence des cas sur les animaux de rente). Les investigations ont été entreprises « à la charge de l'université d'Édimbourg et des propriétaires ». De fait, les experts britanniques de santé publique ont publié en 2014 un avis de 2013 suite aux deux premiers cas humains documentés d'infection à M. bovis transmise par un chat. Ils y précisent que l'infection des chats étant « sporadique, le risque [pour l'Homme] est considéré très faible. Sur la base de cette évaluation, le principe de précaution suggère que les membres du foyers et autres contacts étroits d'un chat infecté par M. bovis consultent et se voient remettre un avis de la part des services de santé publique pour minimiser ce risque de transmission ». Dans le cas présent « les propriétaires de deux des chats affectés ont été trouvés positifs ; l'un a requis un traitement antituberculeux ». Les auteurs précisent qu'outre le risque lié aux formes respiratoires, l'atteinte digestive rend probable la contamination de l'environnement des chats infectés (leur domicile) et que les propriétaires ont manipulé la viande probablement contaminée pour alimenter leur chat. Ils rappellent que la pasteurisation se fait à 71,5° C pendant au moins 15 secondes pour inactiver M. bovis, et « qu'il est hautement improbable qu'ils aient atteint ces conditions dans leur environnement domestique ». D'autant que la bactérie « peut survivre 60 jours dans l'eau, comme par exemple dans un siphon d'évier »

Les auteurs détaillent les hypothèses explorées avec les propriétaires pour expliquer la contamination des chats, mais préviennent que la seule « source probable » était la consommation exclusive ou fréquent de la version “gibier” de cet aliment frais (venison). Le 14 décembre dernier, le « fabricant d'aliment a rappelé le produit suspect ». Le motif alors invoqué était « certains de ses ingrédients n'avaient pas inspectés conformément à la réglementation européenne ». « A la suite de ces cas, nous avons entrepris l'exploration d'un nombre de cas en augmentation continue, ce qui nous a permis de commencer une enquête épidémiologique plus complète qui sera publiée séparément, une fois achevée ».