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4 juillet 2019

Insecticides. Les remises et la publicité sont interdites pour les biocides, mais pas pour les APE

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Exemples d'insecticides biocides visées par les interdictions de remises et de publicité
Les interdictions de remises et de publicité visent surtout les « antipuces » pour l'habitat des animaux de compagnie (Advanthome°, Parastop°, Tiquanis° Habitat, Pucid° Habitat, Frontline° PetCare°, Eco-Logis°…) et les « anti-mouches » pour chevaux (Flymax°, Tri-Tec° 14, Fly-Impact°…).
Exemples d'insecticides biocides visées par les interdictions de remises et de publicité
Les interdictions de remises et de publicité visent surtout les « antipuces » pour l'habitat des animaux de compagnie (Advanthome°, Parastop°, Tiquanis° Habitat, Pucid° Habitat, Frontline° PetCare°, Eco-Logis°…) et les « anti-mouches » pour chevaux (Flymax°, Tri-Tec° 14, Fly-Impact°…).
 

Est-ce vraiment le même combat que de lutter contre les usages « non indispensables » des antibiotiques et des insecticides ? À l'évidence non. Pourtant, si ce n'est pas le même combat ni les mêmes enjeux, ce sont les mêmes armes réglementaires qui sont utilisées pour faire baisser le recours contre les insecticides. La loi Egalim du s'est en effet inspirée du plan EcoAntibio pour lutter contre, entre autres, les insecticides des produits phytopharmaceutiques comme des biocides.

Le Journal officiel du 27 juin 2019 a publié deux décrets d'application de la loi Egalim du 30 octobre 2018 qui restreignent le commerce et la publicité des biocides insecticides (TP18) et rodenticides (TP14). Ces décrets diffèrent significativement des projets mis en consultation publique au printemps (voir LeFil du 14 mai 2019). Ces restrictions, notamment l'interdiction de remises, ne sont pas restreintes aux produits « grand public » comme cela était projeté initialement. Les insecticides à usage professionnel — notamment ceux vendus aux éleveurs — sont tout autant concernés par cette interdiction que ceux pour un usage grand public

Ces décrets n'entrent en vigueur qu'au 1er octobre 2019 alors que la loi Egalim prévoyait une application dès le 1er janvier 2019.

Les remises interdites sur toutes les ventes de biocides insecticides

L'interdiction est la suivante sur le commerce des biocides insecticides (TP18) et rodenticides (TP14).

« Les remises, les rabais, les ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente, la remise d'unités gratuites et toutes pratiques équivalentes sont interdits.

Toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l'attribution de remises, de rabais ou de ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l'achat de ces produits est prohibée » (art. L. 522-18 et 522-19 du code de l'environnement)

Tout manquement à ces interdictions est passible d'une amende administrative plafonnée à 15000 € pour une personne physique et 75000 € pour une personne morale, le double en cas de récidive dans les deux ans. L'amende peut être assortie d'une astreinte journalière d'au maximum 1000 € par jour si l'infraction se poursuit après une mise en demeure.

Cette interdiction des remises, rabais et ristournes s'applique aussi bien aux ventes en gros à des grossistes ou à des détaillants, qu'aux ventes au détail aux particuliers ou aux professionnels. Elle n'interdit évidemment pas aux grossistes ni aux vétérinaires de faire une marge sur la revente de ces produits. Mais le prix de revente doit rester le même pour tous, qu'il s'agisse d'un petit ou d'un gros client, d'un éleveur ou d'un vétérinaire…

Les contrats 2019 ne sont (apparemment) pas concernés

Cette interdiction de remises, ou de toute pratique équivalente sur toute la chaîne de la distribution en gros et au détail, s'applique, selon ce décret, « aux contrats commerciaux conclus ou renouvelés à partir du 1er octobre 2019 », donc sans effet rétroactif sur les contrats annuels 2019 (signés avant le 1er mars 2019). Ce délai d'application est toutefois différent de celui prévu par la loi Egalim. Car son article 96 précise que cette interdiction des remises « s'applique aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er janvier 2019 ».

Néanmoins, en pratique, les services d'inspection et de contrôle n'appliqueront pas cette interdiction aux contrats conclus avant le 1er octobre 2019 comme l'indique le décret. Les remises arrière de fin d'année 2019 (RFA) liés à ces contrats ne semblent donc pas remises en cause. En revanche, à compter du 1er octobre 2019, il sera interdit de pratiquer des remises, rabais, ristournes pour une vente en gros ou au détail si cette remise n'est pas prévue à un contrat commercial signé avant le 1er octobre.

Comme pour les antibiotiques en 2014, il devrait donc probablement être observé une hausse des achats en 2019 afin de profiter des remises qui seront interdites dans les contrats 2020 (signés ou renouvelés après le 1er octobre 2019).

Les médicaments insecticides et les désinfectants ne sont pas visés

Seules deux catégories de biocides sont visées par cette interdiction. Il s'agit de tous les produits biocides rodenticides (TP14) et insecticides/acaricides (TP18) à usage grand public ou professionnel.

  • Ainsi, les répulsifs contre les insectes ou les acariens en TP19 ne sont pas visés par cette interdiction sauf s'ils sont aussi classés en insecticides de TP18. Mais les produits qui combinent un répulsif en TP19 avec un insecticide en TP18 sont visés par ces interdictions.
  • Les insecticides des médicaments antiparasitaires externes (APE) ne sont pas visés par cette interdiction, même si les substances insecticides qu'ils contiennent (perméthrine, deltaméthrine, fipronil, imidaclopride, IGR…) sont aussi classées dans les substances biocides de TP18. Les médicaments antiparasitaires ne sont en effet pas des produits qui luttent contre des nuisibles (comme les biocides), mais contre des maladies parasitaires.
  • Aucun désinfectant n'est concerné par cette mesure, notamment ceux dits vétérinaires [TP3] pour la désinfection des locaux et du matériel d'élevage ou de la peau (saine) des animaux (comme les produits de trempage), ni aucun désinfectant de la peau humaine [TP1] ou des surfaces inertes [TP2] comme les tables de consultation, le matériel médical ou les sols des cliniques vétérinaires.

Dans le viseur, les insecticides « habitat » ou « anti-mouches »

En pratique, l'interdiction de remises s'appliquera donc à trois classes de produits biocides revendus par les vétérinaires :

  1. Les insecticides dits pour l'habitat des animaux de compagnie, notamment les sprays, les foggers et diffuseurs des gammes Advanthome° (Bayer), Parastop° (Virbac), Tiquanis° Habitat (Vetoquinol), Pucid° Habitat (Ceva), Frontline° PetCare°(BI-Merial), Eco-Logis (Biocanina), Insecticide Habitat (Clément-Thekan)…  Des insecticides de ce type sont aussi vendus en animaleries ou dans le circuit grand public.
  2. Les insecticides anti-mouches pour les chevaux : Flymax° chez Audevard, Tri-Tec° 14 et Fly-Impact° chez Pommier… De nombreux produits de ce type sont aussi vendus en selleries ou dans des magasins spécialisés comme Décathlon. Les purs répulsifs, comme Centaura° (BI-Merial) à base d'icaridine, ne sont pas concernés.
  3. Les insecticides professionnels pour les locaux d'élevage comme chez Bayer (Baycidal°, Quick Bayt°, K-othrine°, Solfac°), chez Elanco (Neporex°, Elector°…), chez Théseo (Mefisto°…) ou bien d'autres fournisseurs.

Pas de publicité grand public

Une interdiction de publicité auprès du grand public s'applique aussi aux biocides insecticides et rodenticides, ainsi qu'à quelques désinfectants des surfaces inertes [TP2] ou en contact avec des aliments [TP4] seulement s'ils sont classés comme « dangereux pour le milieu aquatique [catégorie 1] » avec une toxicité aiguë ou chronique [classement H400 ou H410]. En pratique, ces désinfectants peuvent être achetés ou utilisés par des structures vétérinaires, par exemple pour la désinfection des tables de consultation, des sols, du matériel vétérinaire, etc. Mais ils ne sont pas (ou peu) revendus aux propriétaires d'animaux ou aux éleveurs, contrairement aux désinfectants vétérinaires de TP3 appliqués sur les animaux ou dans les locaux d'élevage. Ces désinfectants de TP2 ou 4 ne seront donc pas ou peu concernés par les interdictions de vente en libre-service ou de publicité grand public. Et ils ne sont pas concernés par l'interdiction des remises qui ne vise que les insecticides et les rodenticides.

Un biocide n'est jamais « un produit naturel, non toxique ou à faible risque »

« Toute publicité commerciale est interdite pour les mêmes catégories de produits biocides. Par dérogation, la publicité auprès des utilisateurs professionnels est autorisée sur les points de vente (PLV) et dans les publications professionnelles » selon le code de l'environnement (art. L. 522-5-3). Pour ces publicités permises aux professionnels, il est ajouté de nouvelles mentions légales visant à en décourager l'usage (art. R. 522-16-2 II).

Pour la publicité de tous les produits, le règlement 528/2012 (article 72) interdit déjà des allégations « susceptibles de tromper l'utilisateur quant aux risques » d'un produit biocide pour la santé et l'environnement. Les mentions suivantes sont donc interdites : « produit biocide à faible risque », « non toxique », « ne nuit pas à la santé », « naturel », « respectueux de l'environnement », « respectueux des animaux » ou toute autre indication similaire.

En outre, ce règlement prévoit une mention légale obligatoire facilement lisible dans les publicités de tous les produits biocides : « Utilisez les produits biocides avec précaution. Avant toute utilisation, lisez l'étiquette et les informations concernant le produit ».

Pour les publicités, « privilégiez les alternatives » aux insecticides

Pour les publicités aux professionnels (non interdites) pour des insecticides (TP18), des rodenticides (TP14) et certains désinfectants (TP2/4), le décret ajoute trois mentions supplémentaires :

  1. « Avant toute utilisation, assurez-vous que celle-ci est indispensable, notamment dans les lieux fréquentés par le grand public. »
  2. « Privilégiez chaque fois que possible les méthodes alternatives et les produits présentant le risque le plus faible pour la santé humaine et animale et pour l'environnement. »
  3. La catégorie biocide : insecticide/acaricide (TP18) ou rodenticide (TP14) ou désinfectant des surfaces inertes (TP2) etc.

Le non-respect des dispositions sur la publicité des produits biocides peut être sanctionné par une contravention de 5e classe, soit 1500 € d'amende pour une personne physique, 7500 € pour une personne morale (le double en cas de récidive) (art. R. 522-25 I. 6°).