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12 juin 2019

A 6 mois post-implantation intrapéritonéale de cellules pancréatiques, les chiens diabétiques vont bien

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Suivis de la glycémie et de la dose quotidienne d'insuline (unité artificielle à partir du niveau d'avant l'implantation, moyennes mensuelles) chez les 4 chiens diabétiques en essai pour l'implantation intrapéritonéale d'un greffon allogénique de cellules pancréatiques (LeFil, d'après Gooch et coll., 2019).
Suivis de la glycémie et de la dose quotidienne d'insuline (unité artificielle à partir du niveau d'avant l'implantation, moyennes mensuelles) chez les 4 chiens diabétiques en essai pour l'implantation intrapéritonéale d'un greffon allogénique de cellules pancréatiques (LeFil, d'après Gooch et coll., 2019).
 

Moins d'un an après la présentation de résultats prometteurs en modèle souris pour la transplantation sous-cutanée de cellules d'îlots pancréatiques, d'autres chercheurs et cliniciens américains présentent de premiers résultats chez le chien selon le même principe, mais avec une implantation intrapéritonéale. Obtenus sur des chiens de compagnie (et non d'expérimentation), ces résultats sont favorables, entre 6 et 15 mois post-implantation.

Agrégats cellulaires

Le dispositif testé dans l'essai est baptisé Neo-Islet°. Il est constitué d'agrégats de deux types de cellules cultivés in vitro : une « grande quantité » de cellules issues de cellules souches de tissu adipeux, qui se révèlent « cyto- et immunoprotectrices » et des cellules d'îlots ß du pancréas. Ces cellules d'origine adipeuse ont la capacité (vérifiée in vitro) de se différencier en lignées adipogène, ostéogène et chondrogène. Chaque agrégat (microscopique) contient donc les deux types cellulaires. Ils sont préparés en grande quantité (2 107 agrégats/ml) et transportés sous régime du froid jusqu'au site de transplantation, sous 48 h (l'ensemble des contrôles de la qualité et de la pureté du produit est présenté dans le manuscrit). Par rapport à d'autres pistes en cours d'exploration chez le chien, il n'y a pas ici de matrice englobant ce “greffon” cellulaire. En revanche, les cellules sont bien d'origine canine (transplantation allogénique).

Essai FDA, sur 3 ans

Un essai a été autorisé par la FDA pour ce dispositif sur des chiens de compagnie diabétiques, avec trois objectifs : en évaluer l'innocuité, la faisabilité et l'efficacité à réduire ou éliminer le recours à l'insuline exogène dans la prise en charge du diabète. Six chiens ont été inclus dans l'essai, mais seuls quatre d'entre eux disposent d'un suivi de plus de 6 mois après l'implantation. Parmi les critères d'inclusion figuraient le poids (de 5 à 12 kg) un diabète insulino-dépendant équilibré, pas de processus cancéreux ni de contre-indication à une anesthésie générale. Les chiens inclus avaient un diabète identifié depuis 6 à 30 mois. Chaque chien a reçu la préparation contenant 2 105 nouveaux îlots par kg de poids vif, par voir intrapéritonéale (sédation et anesthésie locale, implantation échoguidée). Le chien rentrait chez lui le jour-même ; son propriétaire continuait à surveiller la glycémie (mesure biquotidienne et administration d'insuline exogène), et notait l'ensemble (ainsi que le poids et l'ingéré de manière hebdomadaire le premier mois, puis aux deux semaines). Des visites de contrôle sont effectuées tous les mois sur le premier semestre (examens complémentaires), puis tous les trimestres sur les 2,5 ans suivants (l'essai est prévu sur trois ans et pour 10 chiens).

Réduction significative de la dose d'insuline

Les quatre chiens auxquels se rapportent la publications ont tous plus de 6 mois de suivis, mais avec des durées renseignées différentes : de 10 à 17 mois. Aucun n'a présenté de trouble de la santé attribuable à l'intervention ni au greffon. Pour trois d'entre eux, il y a bien eu une réduction significative de l'apport exogène d'insuline à 6 mois post-implantation (voir l'illustration principale), toutefois :

  • pour l'un (chien n°3 sur la figure), la dose quotidienne d'insuline a dû être ramenée au niveau précédant l'intervention à partir de 6 mois ;
  • pour le 4e chien (n° 1 sur la figure), il n'y a pas eu de réduction significative de la dose quotidienne d'insuline administrée, bien que la glycémie soit revenue au niveau basal après 12 mois de suivi. Les analyses font proposer aux auteurs qu'il s'agisse d'un diabète insulino-résistant.

Pas de rejet

Pour les trois autres chiens, la prise de sang avant l'implantation révélait la présence d'anticorps (IgG) dirigés contre les îlots ß du pancréas, faisant suspecter une origine auto-immune du diabète. Toutefois, chez ces trois chiens comme chez le 4e, il n'y a pas eu d'élévation de la concentration sérique en ces anticorps à 1,5 et 3 mois post-implantation, ni d'anticorps de rejet allogénique (les donneurs n'étaient pas apparentés aux receveurs, qui ne recevaient pas de traitement immunosuppresseur). Le recours aux « Neo-Islets° apparaît sûr et bien toléré » par ces quatre cas, malgré la présence de comorbidités chez certains d'eux. Pour les auteurs, les objectifs d'innocuité et de praticabilité sont donc atteints (sous réserve du reste de la période de suivi). Leur dispositif « fournit une amélioration efficace et durable du contrôle de la glycémie » mais ne permet pas d'éliminer le recours à l'insuline exogène – les auteurs suggèrent qu'une seconde implantation pourrait être nécessaire. Il reste qu'aucun des quatre chiens « n'a connu d'épisode hypoglycémique depuis la transplantation ». Des tests de tolérance au glucose seront réalisés à la fin de l'essai.

Les donneurs étaient des chiens euthanasiés, et les auteurs précisent qu'à partir d'un animal, ils peuvent « préparer 50 doses thérapeutiques de Neo-Islets° ».