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17 avril 2019

Les USA veulent rattraper leur retard sur l'enseignement du bien-être animal pendant les études vétérinaires

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Évolution de la note d'accord (échelle de 1 à 5) sur trois questions de l'enquête relative à leur connaissance du bien-être animal, entre le début et la fin du module qui lui était consacré en 3e année d'études vétérinaires à l'université du Colorado, USA (LeFil, d'après Johnstone et coll., 2019).
Évolution de la note d'accord (échelle de 1 à 5) sur trois questions de l'enquête relative à leur connaissance du bien-être animal, entre le début et la fin du module qui lui était consacré en 3e année d'études vétérinaires à l'université du Colorado, USA (LeFil, d'après Johnstone et coll., 2019).
 

Ils le reconnaissent, « les USA sont à la traîne de l'Europe et de l'Amérique latine dans la mise en œuvre d'une éducation au bien-être animal dans les écoles vétérinaires ». Aussi, ces enseignant de la faculté vétérinaire du Colorado (USA), avec des membres du département des « affaires vétérinaires et des consommateurs » de Merck Animal Health cosignent-il le bilan d'un essai grandeur nature réalisé au cours de la 3e année de cette école, évalué – favorablement - par les étudiants eux-mêmes.

Avocats proactifs

La principale raison avancée est que l'association nord-américaine de médecine vétérinaire (AVMA) a « identifié un décalage remarquable entre l'objectif des études vétérinaires pour préparer les étudiants à devenir des avocats proactifs et efficaces du bien-être animal et la réalité qui est le manque de cours [sur le sujet] dans les écoles vétérinaires de tout le pays ». Ce dernier constat est issu d'une enquête cosignée par Temple Grandin dans le JAVMA en 2016. Les auteurs indiquent avoir fait la recherche des titres de modules d'enseignement dans les 30 facultés vétérinaires continentales des USA en 2018 et n'avoir obtenu de résultat que pour 9 d'entre elles. Et dans la plupart des cas, « il s'agissait d'un enseignement généraliste, sans mention d'une espèce particulière ». Ils ont donc mis au point un module d'enseignement obligatoire au bien-être animal dans leur faculté, début 2018, en demandant aux 145 étudiants de remplir une formulaire d'enquête avant, puis après le module.

Module obligatoire, enquête facultative

Les deux questionnaires étaient identiques (le second ne redemandant pas les informations démographiques) et exploraient à la fois les connaissances sur le bien-être animal et le rôle du vétérinaire sur le sujet. L'enseignement avait été annoncé aux étudiants à la rentrée de septembre 2017. Il s'étendait sur le second semestre, au rythme de 2 h hebdomadaires (entre le 19 janvier et le 25 avril 2018), sous la forme de « lectures, discussions, panels professionnels et travaux personnels ». Le premier questionnaire était administré, de manière volontaire, le premier jour du module. Les répondants pouvaient demeurer anonymes, mais il leur était demander de fournir un code (initiales et code postal de leur mère) pour pouvoir apparier les deux formulaires de chaque participant (131 étudiants ont répondu, 116 en fournissant un code). Le seconde était administré à la fin du dernier cours (125 répondants). Ils contenaient 21 questions, y compris sur la prise en charge de la douleur ou l'évaluation quantitative du bien-être animal. Seuls 61 formulaires ont pu être appariés.

Moins de « colère et rancœur »

Le formulaire présentait cinq questions appelant une réponse ouverte, rédigée, dont les réponses ont été classées en cinq grandes catégories :

  • La plus fréquemment évoquée par les réponses des étudiants était favorable à cette nouvelle matière, sans modification notable avant ou après sa tenue (62,4 et 64,5 % des réponses, respectivement. Les auteurs notent que cela reflète « l'intérêt et la passion » du sujet développés pendant le module.
  • En revanche, des réponses classées comme reflétant « colère et rancœur » arrivaient en seconde position avant la tenue du module (40 % des répondants), mais ne représentaient plus que 20 % des réponses ensuite. La principale cause de rancœur était le surcroît de travail attendu (la 3e année est l'avant-dernière du cursus et la majorité des étudiants travaille pendant ses études). Mais d'autres mentionnaient avoir pris conscience du besoin « d'appréhender le bien-être animal au-delà de la seule santé [au sens clinique] de l'animal ».
  • Elle arrivait donc à égalité avec la catégorie « j'ai confiance en mes connaissances sur le bien-être » animal, passée de 17 à 20 % sur la période.

Significativement mieux

Pour les autres questions relatives au bien-être animal, les étudiants devaient répondre sur une échelle de Likert (1 = en fort désaccord à 5 = totalement d'accord), ce qui permet de classer les réponses en « d'accord » (note >3) et « pas d'accord » (3 au plus). Toutefois, dans leur publication, les auteurs retiennent les réponses à trois questions :

  • Est-il important d'avoir un cours sur le bien-être animal et l'éthique vétérinaire ?
  • Je me sens à l'aise pour explorer un sujet sur le bien-être animal, y compris un sur lequel j'ai peu de connaissances, pour me former une opinion éclairée que je peux partager.
  • En tant qu'expert dans une espèce animale donnée, je suis obligé d'être l'avocat du bien-être de tous les animaux de ma communauté.

Dans les trois cas, la note moyenne attribuée par les étudiants avant le début du module était supérieure à 3, reflétant une inclination favorable au bien-être animal – ce qui n'est pas une surprise. Pour les questionnaires qui ont pu être appariés, l'analyse statistique indique également une progression significative de la note attribuée par les étudiants (voir l'illustration principale), mais aussi de la proportion d'étudiants fournissant une note supérieure à 3 (voir le tableau ci-dessous), sauf pour la responsabilisation en tant que vétérinaire, où la proportion était d'emblée très élevée.

Évolution de la proportion d'étudiants fournissant une réponse favorable (note >3) aux trois questions de l'enquête entre le début et la fin du module de bien-être animal (LeFil, d'après Johnstone et coll., 2019).

 

Les politiciens surnotés

Une autre question demandait « quel degré d'influence devraient avoir les catégories de personnes suivantes dans la prise de décisions concernant le bien-être animal au sein d'une communauté ». Cette fois-ci, les notes allaient de 1 (niveau d'influence élevé) à 5 (aucune influence). Dès le départ, les étudiants attribuaient d'emblée ce rôle aux vétérinaires, et d'autant plus après le module ; c'est la seule catégorie pour laquelle l'évolution est proche de la signification statistique (p=0,06). Mais ils ont aussi été au-delà de la grille de notation (voir le graphique ci-dessous), en fournissant des notes supérieures à 5 pour les politiciens (le corpus réglementaire fédéral sur le bien-être animal est plus limité aux USA que dans l'UE).

Évolution de la note attribuée à différentes catégories de citoyens pour la prise de décisions relatives au bien-être animal, de 1 (niveau élevé d'influence) à 5 (aucune influence) (LeFil, d'après Johnstone et coll., 2019).

 

9 % de végétatiens/vegans

La section “démographie” du premier questionnaire fournit plus d'éléments : 84 % des répondants étaient des étudiantes. Un quart étaient âgés de 20 à 24 ans et un peu plus de la moitié (54 %) de 25 à 29 ans. La même proportion (53 %) se destinait à la canine, un quart en mixte (26 %), et 9 % aux production animales, contre 13 % en NAC (et zoo) et 11,5 % en équine. Aucun de ces facteurs n'a été trouvé associé aux réponses sur les questions relatives au bien-être animal. Il y avait 1,5 % des répondants se notant vegan et 7,5 % végétariens, mais ces critères n'ont pas été explorés pour leur association vis-à-vis de la perception du bien-être.

Les auteurs sont toutefois satisfaits à la fois de la mise en œuvre de ce module et de la réaction de leurs étudiants. Ils estiment qu'il « faudrait encourage le développement de cours obligatoires de bien-être animal dans la formation initiale des vétérinaires à l'échelle de tout le pays ».