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15 mars 2019

L'auto-évaluation du bien-être des étudiants dans 18 établissements vétérinaires européens, rassurante pour les ENV

par Vincent Dedet

Temps de lecture  6 min

Bien-être évalué par les étudiants de première (en haut) et quatrième année (en bas) dans 18 établissements vétérinaires européens, au terme d'une enquête en ligne réalisée en 2017 par une thésarde vétérinaire française (Chauvet, 2018).
Bien-être évalué par les étudiants de première (en haut) et quatrième année (en bas) dans 18 établissements vétérinaires européens, au terme d'une enquête en ligne réalisée en 2017 par une thésarde vétérinaire française (Chauvet, 2018).
 

La première étude à l'échelle européenne sur le bien-être des étudiants vétérinaire fournit un bilan satisfaisant pour les écoles françaises. Même si l'auteure se défend que ces résultats soient représentatifs de l'ensemble des étudiants vétérinaires européens, la forte participation des étudiants des quatre ENV appuie ce constat. En particulier, « les écoles françaises, Berne et les écoles des pays nordiques étaient presque systématiquement dans le premiers tiers [des réponses] avec des scores témoignant d'un bien-être relativement élevé ». A l'inverse, « Berlin, Hanovre, Olstyn, Barcelone, Budapest et Milan se partageaient les dernières places. Les écoles anglaises et Utrecht, quant à elles, oscillaient autour du second tiers du classement ».

Des « stresseurs vétérinaires »

Le questionnaire comportait cinq parties, et a été conçu pour durer cinq minutes (QCM et quelques questions ouvertes). Il était proposé en ligne, en français pour les étudiants des ENV, en anglais pour ceux de tous les autres établissements. Sa première partie « regroupait les questions générales destinées à mieux connaître le répondant, la seconde partie évaluait l'hygiène de vie, la troisième étudiait l'expression de symptômes dépressifs, la quatrième abordait la confiance en soi et la cinquième évaluait la sensibilité aux stresseurs propres aux études vétérinaires ». Ces derniers avaient été évalués pendant la conception du questionnaire, avec des entretiens d'étudiants français, et avait identifié comme marqueurs de stress considérés comme spécifiques des études vétérinaires :

  • « le manque de temps disponible et l'équilibre entre les études, la vie sociale et une bonne hygiène de vie ;
  • la perception de l'enseignement vétérinaire ».

14 % d'étudiants

Dans l'analyse des réponses, un score a été attribué à chaque réponse (de 1 à 4 ou 5). Un score élevé témoignait d'un niveau de bien-être élevé. Pour l'analyse globale, chaque note a été pondérée. Le questionnaire a été ouvert du 23 mars au 23 avril 2017, uniquement auprès des étudiants de première et quatrième années. Sur les 54 établissements vétérinaires contactés, il fallait qu'au moins 10 étudiants de première et autant de 4e année aient répondu pour que l'établissement soit pris en compte dans l'analyse des résultats (voir le tableau ci-dessous). Bien que 32 écoles aient répondu, seules 18 ont satisfait à ce critère, dont les quatre ENV françaises, pour 12 pays au total. Soit 1 321 réponses complètes au questionnaire, dont 14 % d'étudiants masculins.

Etablissements retenus dans l'analyse des réponses à l'enquête, et taux de répondants ramené à l'effectif de la promotion correspondante (Chauvet, 2018).

 

Première année, bien-être et dépression

Deux groupes d'établissements sont distingués pour les réponses sur le bien-être en première année :

  • celui où plus de la moitié des répondants fournit une note élevée (4 ou 5) et où les notes de bien-être dégradé (1 ou 2) représentent moins de 10 % des réponses ;
  • et celui où moins de la moitié des étudiants ont un score de bienêtre élevé, et où les notes faibles représentent 15 % des réponses (voir l'illustration principale).

Berlin est le seul établissement pour lequel les notes dégradées sont plus fréquentes que les notes de bien-être élevé. Pour autant, les moyennes des scores d'hygiène de vie étaient relativement resserrées, entre toutes les écoles, allant de 22,6 pour Uppsala (sur un maximum possible de 27,5) à 18,8 pour Olsztyn. En revanche, pour les notes relatives à la dépression quatre établissement comptent une proportion d'étudiants peu concernés : Toulouse, Berne, Nantes et Lyon. « Pour toutes les autres écoles, au moins 25 % des étudiants ayant répondu avaient un score inférieur au score neutre théorique », c'est-à-dire ayant potentiellement des signes dépressifs. En particulier à Berlin et Olsztyn, « 75 % au moins des étudiants ayant répondu avaient un score inférieur au score neutre théorique ». Quant aux “stresseurs vétérinaires”, les établissements les mieux placés étaient Toulouse, Uppsala, Lyon, Alfort, Nantes et Copenhague. Mais à l'inverse à « Berlin, Londres, Budapest et Olsztyn, la sensibilité aux stresseurs était très importante avec de nombreux étudiants ayant obtenu un score très faible ».

Quatrième année plus resserrés

 L'ordre est légèrement modifié pour les 4ème année, bien que deux groupes d'établissements puissent à nouveau être distingués sur les réponses relatives au bien-être (voir l'illustration principale) :

  • celui où plus de la moitié des répondants fournit une note élevée (4 ou 5) et où les notes de bien-être dégradé (1 ou 2) représentent moins de 15 % des réponses. Nantes n'en fait pas partie, avec un taux de notes faibles de 25 %. En revanche, à Berne et Londres, il n'y avait aucune réponse faible ;
  • et celui où moins de la moitié des étudiants ont un score de bienêtre élevé, et où les notes faibles représentent 15 % des réponses, sauf pour Lyon et Utrecht (à 2 et 9 %, respectivement).

Sur l'hygiène de vie, les notes moyenne étaient élevées, et encore plus resserrées que pour les 1ère année. Pour la dépression, Berne est l'établissement le moins touché, suivi d'Alfort, Uppsala, Bristol, Copenhague et Toulouse. Il reste qu'à Liverpool, Helsinki, Budapest, Londres, Berlin, Milan, Hanovre, Olsztyn et Barcelone, la moitié des répondants au moins « avaient un score inférieur au score neutre théorique ». Quant aux stresseurs vétérinaires, l'établissement le moins concerné est… l'ENVA, devant Bristol, Londres, Berne, Lyon et Helsinki. Les trois quarts des répondants de Berlin avaient un score faible, ce qui « témoignait d'un impact important des stresseurs propres à la quatrième année » dans cet établissement. Ce qui se retrouve dans l'évaluation du stress global ressenti à l'approche de la vie active (voir le graphique ci-dessous) : à Liverpool, Londres, Budapest, Hanovre et Barcelone, aucun répondant n'a donné de note élevée (faible stress).

Niveau de stress global ressenti en quatrième année en établissement vétérinaire, évalué par les étudiant(e)s répondant(e)s (Chauvet, 2018).

 

Dégradation en 3 ans

La majorité des répondants à l'enquête étaient des étudiantes. L'auteure a donc recherché si le sexe était associé à une perception particulière, ce qui est le cas :

  • en première année, la note médiane attribuée par les étudiantes à la note de stress ressenti est significativement inférieure (p<0,01) à celle attribuée par les étudiants. Il en va de même pour la note relative aux symptômes de dépression ;
  • en quatrième année, il n'y a plus de différence significative pour ces notes selon le sexe des répondants, en revanche, les étudiantes se jugent significativement plus souvent comme ayant un caractère exigeant que les étudiants (p=0,04).

L'analyse de l'évolution des notes entre étudiants de 1ère et de 4ème années montre qu'il y a une dégradation significative du niveau de bien-être ressenti (p=0,02), du stress (p=0,01), des signes de dépression (p=0,01) et dans une moindre mesure de l'hygiène de vie (p=0,04). Mais l'auteure propose, pour s'en assurer, de réaliser un suivi des étudiants de première année (étude longitudinale). Elle signale que « la situation des écoles ayant obtenus systématiquement les scores les plus faibles semble préoccupante (notamment Berlin et Olsztyn) ». Elle rappelle aussi qu'une proportion non négligeable d'étudiants, même dans les établissements ayant une proportion élevée de répondants épanouis, présentent des notes de bien-être dégradé et/ou de dépression En cela, elle conforte le fait qu'il « semble que le bien-être des étudiants vétérinaires soit devenu un problème préoccupant dans le monde, conduisant [l'association internationale des étudiants vétérinaires, IVSA] à créer un comité travaillant sur ce sujet ».