titre_lefil
logo_elanco

15 février 2019

Contre la PIF : essai d'efficacité et d'innocuité prometteur pour un antiviral issu des recherches contre… le SARS

par Vincent Dedet

Temps de lecture  4 min

Bubba est l'un des 36 chats inclus dans l'étude sur le GS-5734 contre la PIF, alors qu'il était âgé de 7 ans. Clichés : Adel Gastle.
Bubba est l'un des 36 chats inclus dans l'étude sur le GS-5734 contre la PIF, alors qu'il était âgé de 7 ans. Clichés : Adel Gastle.
 

L'émergence de virus à fort taux de létalité comme Ebola ou le Syndrome Respiratoire Aigu et Sévère (SARS) a fortement dynamisé la recherche de nouveaux antiviraux. Parmi eux, une petite molécule, ' GS-5734', qui interfère avec la réplication virale, a déjà été trouvée efficace en prévention de l'infection par le virus Ebola chez des macques rhésus, et inhibitrice de coronavirus (comme le SARS) in vitro, mais aussi in vivo, en modèle souris. Une équipe de virologistes vétérinaires de l'université Davis de Californie, attirée par ces publications d'humaine, a choisi de porter ses efforts sur une molécule apparentée (c'est aussi un analogue de nucléoside), chimiquement plus simple mais au nom aussi peu évocateur : GS-441524.

Travaux liminaires

Les auteurs ont d'abord réalisé une étude de pharmacocinétique et pharmacodynamie sur deux chats de laboratoire, qui leur a indiqué que lors d'administration sous-cutanée (SC) comme intraveineuse, la concentration plasmatique en GS-441524 restait « soutenue et efficace » au regard des concentrations actives obtenues in vitro sur cellules félines infectées. Ils ont ensuite traité 10 chats de laboratoires chez lesquels une PIF humide avait été expérimentalement déclenchée, et le produit s'est révélé « hautement efficace ». Les auteurs sont donc passés à un « essai terrain d'efficacité et d'innocuité ». Au total, 31 chats en phase clinique de PIF ont été inclus dans l'étude ; âgés de 3 à 73 mois (13,6 mois en moyenne). La majorité (26/36) présentaient une PIF humide. Les chats à forme neurologique ou oculaire sévère n'étaient pas inclus dans l'étude.

Améliorations marquées

Quatre ont été euthanasiés ou sont décédés de l'infection au cours de la première semaine du traitement (2 mg/kg tous les jours, par voie sous-cutanée), un 5e à J26. Les 26 autres sont allés au terme des 12 semaines de traitement. Pour cinq des chats de l'étude, le traitement a été initié par le vétérinaire traitant (et à l'UC Davis pour les autres). Lorsque les valeurs de protéines sériques étaient anormales au terme des 12 semaines, le traitement était prolongé « de une à plusieurs semaines » (jusque 30 semaines). Leur réponse clinique « a été spectaculaire » :

  • la fièvre a disparu dans les 12 à 36 h suivant le début du traitement, accompagnée d'une « amélioration marquée de l'appétit, du niveau d'activité et du gain de poids ». Au point que les animaux ont été rendus à leurs propriétaires après 3 à 5 jours, en leur apprenant à faire une injection SC et en leur fournissant tous les mois les préparations appropriées ; 
  • pour les chats à PIF ‘humide', l'épanchement a commencé de se résorber entre 10 et 14 jours après le début du traitement (disparition de la dyspnée en 7 jours pour ceux qui avaient un épanchement thoracique). Les sujets ayant une PIF sèche répondaient également au traitement.

La prise de poids avait lieu même sur les chats les plus jeunes, qui ont pu gagner en stature pendant et après le traitement. Et les chats de race répondaient aussi bien que les Européens.

Tous bien portants

Deux des 26 chats sont décédés depuis la fin de ce traitement, l'un d'entre eux de PIF, l'autre « de maladie cardiaque non liée » à la PIF. Les 24 autres « sont tous bien portants à la date de février 2019 » alors que 18 d'entre eux n'ont eu qu'une cure (12 semaines). Sur les 8 autres, tous en récidive (dont les trois chats pour lesquels le traitement avait été suspendu à deux reprises), 7 ont eu une seconde cure, de même durée, mais 2 à la même dose et 5 à dose supérieure (4 mg/kg SC). Ils ont tous répondu favorablement au traitement, y compris celui dont la récidive était neurologique. Le dernier, qui avait reçu une 2e cure à la même dose, a à nouveau rechuté ; sa 3e cure était à 4 mg/kg/j SC. « Tous ces chats ont bien répondu à ce dosage élevé ».

Motivation accrue

Au plan de la tolérance, le traitement a été suspendu une semaine à deux reprises, pour trois des chats (valeur élevée de protéines sériques), mais aucune anomalie de long terme n'a été observée. Les auteurs signalent qu'un second composé de la même famille (GC376) a aussi été testé, sur 20 chats à PIF, fournissant 6 animaux en rémission. « L'efficacité de GS-441524 paraît meilleure ». D'autant qu'il n'y a pas eu de cas de résistance au traitement avec cette dernière molécule, contre un cas dans l'autre essai. L'auteur principal prévient toutefois qu'il s'agit « d'un essai de preuve de concept, et que ses résultats ne peuvent être immédiatement transformés en produits disponibles sur le marché. Malheureusement, le réel espoir engendré par ces résultats initiaux très favorables a augmenté et non diminué la motivation des propriétaires à rechercher ces nouvelles molécules sur le marché noir. Pour spectaculaires que soient ces découvertes, il y a encore beaucoup à découvrir sur le FIP ».