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16 janvier 2019

Cinq scénarii de « futurs possibles et crédibles » pour la production de viande en France

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Les cinq scénarii dessinés par l'exercice de prospective de la filière bovine française à l'horizon 2040 n'écartent ni l'émergence de nouvelles maladies, ni l'apparition de la viande in vitro sur le marché des protéines aternatives (cliché V. Dedet).
Les cinq scénarii dessinés par l'exercice de prospective de la filière bovine française à l'horizon 2040 n'écartent ni l'émergence de nouvelles maladies, ni l'apparition de la viande in vitro sur le marché des protéines aternatives (cliché V. Dedet).
 

Dans des études publiées à la veille de l'abandon des quotas laitiers en 2015, l'institut de l'élevage (Idèle) prévoyait que les deux grands perdants à l'horizon 2020 seraient la production de veaux de boucherie et le cheptel allaitant. Cette fois-ci, c'est FranceAgriMer qui publie un document de synthèse également orienté vers le futur – plus lointain, mais reposant sur une méthodologie différente.

19 mois de travail

Le travail a consisté à réaliser, avec « une méthodologie spécifique », un exercice de prospective de la situation de la filière viande bovine à l'horizon 2035-2040. Son résultat est synthétisé dans un document publié fin décembre dernier. L'objectif était « d'anticiper différentes situations que l'on pourrait rencontrer, sans préjuger de leur caractère probable, souhaitable ou au contraire redoutable ». Pour autant, ces scénarii dessinent des « futurs possibles et crédibles ». Au terme de 19 mois de travail, le groupe de 17 experts réunis dans ce cadre a sélectionné 92 hypothèses parmi les 1 000 initialement proposées, qui lui ont permis d'élaborer « 5 scénarios contrastés d'évolution de la filière viande bovine à l'horizon 2035-2040 ». Chaque scénario est déterminé par un contexte économique mondial (crise financière, récession, stabilité du pouvoir d'achat…), une situation énergétique (énergie fossile chère ou bon marché) ces deux axes dessinant une demande soutenue ou non en viandes, mais aussi l'intensité des échanges mondiaux (un pétrole cher rendant des importations de viandes depuis l'Amérique du Sud moins probables, par exemple).

Maîtrise sanitaire

Ces éléments sont ensuite repris à l'échelon européen, puis français, et modulés selon que les connaissances sur le « bien-être, la douleur et la conscience animales » auront été – ou non – intégrées au cadre réglementaire de l'élevage bovin. Lorsque c'est le cas, cela représente une contrainte sur les modes de production. S'ajoutent à ces éléments deux variables rarement évoquées :

  • l'importance que peuvent prendre les alternatives aux protéines animales dans l'alimentation humaine. Ces alternatives sont d'une part, les protéines végétales, et d'autre part – c'est une première dans un exercice de prospective en France) la viande in vitro. L'un des scénarios (n°2), celle-ci atteint même le stade de production industrielle (voir le tableau ci-dessous).
  • La survenue d'épizooties, celle-ci étant distinguées en d'une part les « nouvelles maladies » qui auront été favorisées par le réchauffement climatique et/ou l'intensification des échanges mondiaux et d'autre part la réémergence de maladies déjà connues. L'un des scénarios prévoit toutefois, le calme plat (n° 4) : « la France ne connaît plus de crise majeure », grâce à « des résultats satisfaisants suite à son travail collectif en matière de sécurité sanitaire en collaboration étroite avec les services vétérinaires ». A l'inverse, le scénario n°1 prévoit des crises sanitaires répétées.

Les 5 scénarii retenus dessinent des contextes macro-économiques, réglementaires et de comportement de consommateurs différents (LeFil, d'après FranceAgriMer).

 

Revenu de l'éleveur maintenu ?

En parallèle, la filière viande a pu ou non réagir, se rassembler et s'appuyer sur les atouts de l'étiquetage pour présenter une offre segmentée et plus ou moins différenciée selon que le bien-être ou l'élevage à l'herbe permettent de générer de la valeur ajoutée. Dans le scénario mettant en avant une forte compétitivité de la filière française, celle-ci se serait dotée « d'un outil d'évaluation de la qualité lui permettant une segmentation claire de l'offre associant tout à la fois une rémunération de la qualité au producteur et le consentement à payer par le consommateur ». Car si aucun chiffre d'évolution du nombre d'élevages – pas même par bassin de production – n'est présenté, la question du revenu de l'éleveur est abordée dans tous les cas de figure. La contractualisation avec l'aval est développée dans 3 des 5 scénarios. De même, selon que l'État est ou non solvable, les aides aux mesures environnementales et aux services de l'élevage ne sont pas maintenues dans trois scénarii (n° 1 à 3). Et l'un d'entre eux (n° 2) prévoit même la mise en place de quotas sur le nombre total de bovins dans le cadre d'une réaction forte en faveur de la limitation des émissions de gaz à effet de serre.  

Allaitant : domine ou disparaît ?

Même si le rapport prend la précaution d'indiquer que ces scénarios sont possibles mais en aucune façon probables, il peut être délicat de lire, dans le scénario n° 1, voir le tableau ci-dessous),  que l'élevage allaitant disparaît quasi-totalement. Les autres scénarii lui dessinent un avenir contracté : il devient dominant avec un modèle hors-sol (n° 2), ou au contraire extensif herbager (n° 5) ou écologiquement intensif (n° 3).

Les 5 scénarii retenus tentent d'évaluer les modes de production bovine pouvant découler des conditions économiques, réglementaires et sanitaires présélectionnées, mais abordent toujours la rémunaration des éleveurs (LeFil, d'après FranceAgriMer).

 

Les rapporteurs soulignent que ce travail, commandé par l'interprofession bovine (Interbev), ne sera complet que par la définition d'une attitude vis-à-vis de chacun des 5 scénarii. Cette attitude pourra être :

  • « la proactivité positive : agir dès aujourd'hui pour favoriser l'advenue du scénario ;
  • la proactivité négative : agir dès aujourd'hui pour défavoriser l'advenue du scénario ;
  • la réactivité anticipée : se préparer dès aujourd'hui à l'advenue du scénario ;
  • la veille : ce scénario doit être placé sous surveillance, pour savoir si son advenue se dessine au fur et à mesure du temps » ;
  • ou « aucune attitude », le scénario ne présentant pas d'intérêt particulier.

Interbev a réalisé une réunion en ce sens à la mi-décembre dernier, mais ses conclusions ne figurent pas dans le rapport publié par FranceAgriMer.