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18 décembre 2018

Les remises sur les aliments plafonnées à un quart des volumes achetés et aussi à 34 % en valeur en 2019

par Eric Vandaële

Temps de lecture  8 min

Remises de fidélité interdites sur les aliments ?
Les cartes de fidélité deviennent-elles interdites sur les aliments ? Pas tout à fait. Mais les trois quarts des aliments achetés par les vétérinaires doivent désormais être revendus au prix fort, sans remise, même sous la forme d'une carte de fidélité. Reste un quart des aliments qui pourront être revendus avec une remise, minime ou plus importante, sans dépasser 34 % du prix.
Remises de fidélité interdites sur les aliments ?
Les cartes de fidélité deviennent-elles interdites sur les aliments ? Pas tout à fait. Mais les trois quarts des aliments achetés par les vétérinaires doivent désormais être revendus au prix fort, sans remise, même sous la forme d'une carte de fidélité. Reste un quart des aliments qui pourront être revendus avec une remise, minime ou plus importante, sans dépasser 34 % du prix.
 

Manger n'est pas gratuit. Et cela coûtera plus cher en 2019 qu'en 2018. Pour vous-mêmes, pour vos clients et aussi pour les animaux de compagnie de vos clients. À la suite des états généraux de l'alimentation de l'automne 2017, la spirale des prix à la baisse sur les aliments avait été dénoncée comme à l'origine d'une pression trop forte sur des prix d'achat déjà faibles des matières premières agricoles pour faire vivre les éleveurs et les agriculteurs. Des mesures avaient été réclamées pour empêcher les trop fortes promotions sur les aliments à la fois en valeur — rappelez vous l'affaire du Nutella à - 70 % — et en volumes. Car les promotions, censées être exceptionnelles, étaient devenues permanentes chez certains discounters de la grande distribution alimentaire. À l'origine, les petfoods n'étaient pas inclus dans ce dispositif. Mais, très vite, les parlementaires, quelle que soit leur couleur politique, ont souhaité y inclure aussi les aliments pour animaux de compagnie lors de l'examen de la loi Egalim du 30 octobre 2018 (voir les Fils du 5 juillet et du 13 novembre 2018).

Le Journal officiel de 13 décembre 2018 a ainsi publié l'ordonnance législative prévue par cette loi pour encadrer et limiter les promotions sur la revente au consommateur des aliments, y compris de tous les aliments pour animaux de compagnie.

Petfoods et les produits nutritionnels « sans AMM »

En dehors de l'alimentation humaine, le champ d'application de cette ordonnance inclut donc aussi :

  • Les petfoods, y compris ceux de diététique animale et,
  • Les aliments complémentaires, comme ceux dits de « phyto » ou ceux à visée digestive, hépatique, urinaire, articulaire, neurologique, comportementale, immunitaires, etc.

Les trois mesures de cette ordonnance législative sont synthétisées dans ce tableau.

Encadrement de la revente au consommateur des aliments pour animaux de compagnie (petfoods et aliments complémentaires « sans AMM »)

Les promotions qui dépasseraient ces limites peuvent être sanctionnées par une amende allant jusqu'à 75000 € (pour une personne physique) à 375000 € (pour une personne morale), voire le double en cas de récidive. Tableau LeFil. 

 

Les remises des vétérinaires et des éleveurs sont conservées

Cette ordonnance n'encadre que les reventes d'aliments au consommateur final, ici le propriétaire d'un animal de compagnie, et non les ventes aux éleveurs professionnels, ni, a fortiori, les achats des vétérinaires à leurs fournisseurs. En outre, les départements d'outre mer, où les prix des aliments sont déjà plus élevés qu'en métropole, sont aussi exclus du champ d'application de cette ordonnance ainsi que la plupart des autres territoires ultramarins.

Les dispositions de cette ordonnance ne sont applicables que pour deux ans à compter de leur date d'entrée en vigueur, soit principalement sur les deux années 2019 et 2020. En outre, selon les effets constatés de ces mesures, le gouvernement se réserve le droit de les suspendre par décret, en totalité ou en partie, pendant une période donnée ou jusqu'à la fin des deux ans d'application prévue. L'impact de ces mesures reste en effet peu prévisible sur la revalorisation des prix d'achat aux agriculteurs. En outre, le risque d'une inflation des prix alimentaires pour les consommateurs, ce qui reviendrait à réduire leur pouvoir d'achat, nécessite de pouvoir piloter à vue ce dispositif.

Le seuil de revente à perte relevé de 10% avant juin 2019 ou… pas

Le seuil de revente à perte sera relevé de 10 % pour les ventes aux consommateurs (et non aux grossistes ni aux vétérinaires) à compter d'une date qui sera fixée par décret, au plus tard le 1er juin 2019. Pour certains analystes, cette rédaction permettrait au gouvernement ne renoncer à cette mesure inflationniste si aucun décret n'est publié avant le 1er juin 2019.

À compter de la date fixée par décret et pendant deux ans, le détaillant, la clinique vétérinaire, l'animalerie, le site de ventes en ligne…, sera dans l'obligation d'appliquer une marge minimale de 10 % par rapport à son prix d'achat net, toutes remises déduites. Si le prix d'achat est, toutes remises déduites (y compris les remises de fin d'année), de 100, le nouveau seuil de revente de perte n'est pas de 100 mais de 110.

Dans la mesure où les vétérinaires prennent une marge supérieure à 10 % sur la revente des aliments, cette mesure ne devrait avoir aucun impact sur leurs pratiques commerciales.

Toutefois, si des boutiques de ventes en lignes « discount » ou des animaleries concurrentes à la clinique vétérinaire pratiquent des marges inférieures à 10 %, elles seront dans l'obligation de revoir leurs prix de revente à la hausse et de se rapprocher un peu des tarifs vétérinaires.

Pas plus d'un sac gratuit pour deux achetés

À compter du 1er janvier 2019 et jusqu'au 31 décembre 2020, les promotions sont plafonnées à 34 % par rapport au prix public de revente au consommateur d'un aliment, ou l'équivalent en produits gratuits, soit au maximum 34 % de produits gratuits : « 1 aliment gratuit pour 2 achetés ». La date d'application au 1er janvier 2019 a été retenue pour éviter d'interférer avec les promotions alimentaires en cours pour les fêtes de fin d'année.

Ce seuil de 34 % s'apprécie en cumulant toutes les promotions effectives, qu'elles soient immédiates (dès le passage en caisse) ou différées (remise de fidélité, bons de réduction), qu'elles soient à l'initiative du fabricant ou du revendeur : animaleries, site web, vétérinaires… Si le prix public de revente par le détaillant d'un aliment est de 100, le cumul de toutes les promotions ou remises accordées à un particulier, qu'elles soient immédiates ou différées, ne peut pas excéder 34 soit un prix minimal de revente, toutes promotions déduites, de 66.

Comme pour le seuil de revente à perte, l'impact sur les pratiques des vétérinaires est faible. Car il n'est pas fréquent d'accorder au client des remises supérieures à 34 %. Cette mesure visera, éventuellement, d'éventuels concurrents : les revendeurs « discount » qui afficheraient des remises de plus de 34 % ou qui iraient au-delà d'un sac offert pour deux achetés. Là aussi, ils ne devraient pas être nombreux.

Aucune remise, même minime, sur les trois quarts des aliments revendus

La mesure la plus impactante pour les vétérinaires est aussi la plus complexe à mettre en œuvre : le plafonnement des promotions en volumes avec un seuil à 25 % en prix d'achat.

Les mêmes promotions, immédiates ou différées, à l'initiative du fabricant ou du détaillant, deviennent aussi limitées en « volumes » à 25 % selon un mode de calcul plus complexe que le précédent. L'objectif est ici qu'au moins les trois quarts des aliments revendus aux consommateurs le soient au prix public affiché, sans aucune promotion, pas même une petite offre de fidélité de 5 ou 10 %, même si cette remise est différée en fin d'année ou prend la forme d'une carte de fidélité avec une remise différée en produit gratuit.

Le volume maximal de 25 % d'aliments revendus avec une promotion est basé sur la valeur des achats aux fabricants ou aux grossistes et non sur la valeur à la revente. Ce seuil de 25 % est calculé à partir des chiffres d'affaires prévisionnels d'achats mentionnés dans les contrats signés entre les fournisseurs et les détaillants, ici les vétérinaires, les animaleries, les sites web… La mesure s'applique notamment aux contrats annuels de 2019 (régis par l'article L. 411-7 du code du commerce) même s'ils ont été signés début décembre avant la publication de cette mesure. Hors contrat annuel, ils s'appliquent aussi à toutes les commandes passées depuis le 14 décembre 2018 chez un fabricant ou un grossiste.

La remise de fidélité de 5 ou 10 % est interdite si elle est fréquente

Ainsi, si un vétérinaire s'est engagé à acheter en 2019 pour 10000 € d'aliments auprès d'un fournisseur. Sur ces 10000 € d'achats prévus, au moins les trois quarts (7500 € en valeur d'achat) devraient être revendus au prix public choisi par la clinique vétérinaire, sans aucune remise (même si elle est minime et différée), quelle que soit la marge prise sur ces aliments. En d'autres termes, la valeur d'achat cumulée des aliments revendus au consommateur avec une promotion, immédiate ou différée, ne doit pas dépasser 2500 € (25 % des 10000 € d'aliments achetés). Ce calcul s'applique donc sur la valeur d'achat, quelles que soient la marge et l'importance de la promotion en valeur.

L'application de cette mesure est beaucoup plus difficile à vérifier pour les cliniques vétérinaires qui ont pris l'habitude d'accorder des petites remises de fidélité à leurs clients qui leur achètent régulièrement des aliments à la clinique ou sur leurs sites de vente en ligne. Il convient alors de vérifier que le seuil de 25 % des aliments (en valeur d'achat) revendus avec une promotion sur le prix public n'est pas dépassé pour chaque contrat commercial avec chaque fabricant de petfoods. Comme précédemment, cette mesure devrait aussi mettre fin aux pratiques de certains concurrents où les promotions apparaissent permanentes sur leurs sites web.

De 75 000 à 375 000 € d'amendes

Le non-respect de ces dispositions sur le seuil de revente à perte ou sur le plafonnement des promotions lors de la revente au consommateur d'aliments est passible d'une amende maximale de 75000 € pour une personne physique, 375000 € pour une personne morale (et le double en cas de récidive). Si la promotion interdite a fait l'objet d'une publicité, l'amende peut être de la moitié des dépenses de publicité.

Un aliment n'est pas promu comme « gratuit »

En dehors de cette ordonnance, la loi Egalim interdit aussi d'utiliser le terme « gratuit » pour promouvoir la vente d'un aliment auprès d'un consommateur (article L. 441-2 du code du commerce). Les promotions de type « 10 % gratuit » ou « un aliment gratuit pour trois achetés » sont donc interdites depuis le 2 novembre 2018, de manière définitive, et non sur une durée limitée de deux ans comme l'encadrement des promotions prévu par cette ordonnance.

Pour les députés qui ont voté cette interdiction du terme « gratuit », un aliment ne devrait jamais être promu comme « gratuit ». Car cela dévalorise le travail des agriculteurs et le coût des matières premières agricoles.