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13 décembre 2018

Il n'y a pas d'« effet laboratoire » pour les cultures bactériologiques en dermatologie canine

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Le prélèvement de lésion de pyodermite superficielle était réalisé avec un écouvillon floqué en milieu liquide (eSwab°, Copan. Cliché Dovepress.com).
Le prélèvement de lésion de pyodermite superficielle était réalisé avec un écouvillon floqué en milieu liquide (eSwab°, Copan. Cliché Dovepress.com).
 

Existe-t-il des variations inter-laboratoires dans les résultats des examens bactériologiques sur prélèvement cutané chez le chien : culture et identification puis antibiogramme ? La question méritait d'être étudiée car ces examens sont fréquents en dermatologie canine. Et ils le sont d'autant plus aujourd'hui puisque la prescription d'antibiotiques dits critiques (fluoroquinolones et céphalosporines de dernières générations) est désormais à justifier, par le constat d'une résistance de la bactérie en cause aux autres familles d'antibiotiques disponibles. Dans le cadre des pyodermites, la problématique concerne surtout les staphylocoques résistants à la méticilline.

Une étude du plan EcoAntibio 1

Pour objectiver cette éventuelle variabilité entre laboratoires d'analyses, une étude a été menée par les écoles vétérinaires de Toulouse et Nantes (Oniris). Des prélèvements effectués chez 30 chiens présentant une pyodermite superficielle ont ainsi été expédiés à 8 structures différentes. Et leurs résultats comparés.

Comme pour l'étude évaluant l'efficacité d'un gel hydro-alcoolique pour le nettoyage pré-chirurgical de la peau chez le chien (voir LeFil du 4 décembre 2018), ces travaux sont financés par l'Anses dans le cadre du plan EcoAntibio 1 (études GEDAC/GECOV*). Ils ont été présentés par Marie-Christine Cadiergues (professeur en dermatologie, ENV Toulouse) au dernier congrès annuel de l'Afvac, fin novembre à Marseille. Une autre étude s'est par ailleurs intéressée au type de lésion à choisir pour le prélèvement, et au nombre d'échantillons à prélever pour ces examens : ses résultats seront présentés dans un prochain Fil.

90 % d'échantillons positifs malgré la dilution

Dans cette première étude, un prélèvement cutané a donc été réalisé chez 30 chiens atteints de pyodermite superficielle (au niveau de la collerette épidermique), présentés au Centre Hospitalier Universitaire Vétérinaire (CHUV) de Nantes ou de Toulouse, et n'ayant pas encore été traités avec des antibiotiques. Chaque prélèvement a ensuite été aliquoté en 8 échantillons (125 microL), expédiés dans 8 laboratoires pour examen bactériologique et antibiogramme (expédition sous 24h et à température ambiante).

Parmi ces 240 échantillons (8x30), 236 ont donné des résultats interprétables, parmi lesquels plus de 90 % (215) étaient positifs. Ce résultat est déjà appréciable en soit, s'agissant de prélèvements aliquotés (contenant peu de matières biologiques).

S. pseudintermedius dans près de 9 cas sur 10

Les trois quarts des échantillons ont révélé la présence d'une seule espèce bactérienne. Au global, les mises en culture ont permis d'identifier des bactéries du genre Staphylococcus dans 88,4 % des échantillons positifs (n=190), essentiellement des souches de Staphylococcus pseudintermedius (88 %), ce qui concorde avec l'étiologie des pyodermites canines. Plus rarement (5 %), ces bactéries étaient des Staphylococcus aureus, les autres espèces restant non identifiées ou anecdotiques.

Dans 42 % des cas (n=90), d'autres genres de bactéries (bactéries « contaminantes ») ont été isolés (Corynebacterium, Bacillus, Enterococcus, etc.), ce qui est élevé.

Peu de variabilité inter-laboratoires

Les observations montrent surtout la moyenne à bonne répétabilité des résultats d'examens fournis par les différents laboratoires. Ainsi, pour la grande majorité des échantillons d'un même chien (64 %), entre 6 et 8 structures sur les 8 isolent Staphylococcus pseudintermedius ; pour les trois quart (74 %), au moins la moitié des laboratoires isolent la bactérie (voir graphique). Aucun « effet laboratoire » n'est observé (un laboratoire qui aurait isolé moins, ou plus, de souches bactériennes que les autres).

Proportions d'échantillons dans lesquels S. pseudintermedius est isolé par le même nombre de laboratoires, de 0 à 8/8

La bactérie est isolée par les 8 laboratoires dans 40 % des échantillons, par 7 sur les 8 dans 20 % des échantillons, etc.

La clinique prime toujours

Sur les 30 prélèvements effectués, l'isolement de Staphylococcus pseudintermedius par au moins 2 laboratoires est obtenu pour 26. Et chez 17 de ces 26, le profil de résistance tel qu'indiqué par antibiogramme est identique. Pour les 9 autres, les profils divergent, notamment vis-à-vis des bêta-lactamines. Cela indique que la concordance des résultats des antibiogrammes est imparfaite, mais possiblement en lien avec la présence d'autres souches (contaminantes) dans le prélèvement (6 cas sur 9).

En pratique, il est conseillé aux vétérinaires de conserver un œil critique sur le résultat fourni par le laboratoire, et de s'appuyer avant tout sur l'évolution clinique de l'animal, notamment en cas de non réponse au traitement. Dans l'idéal, le choix des antibiotiques inclus dans l'antibiogramme correspond aux molécules d'usage vétérinaire.

 

* Groupes d'études en dermatologie des animaux de compagnie (GEDAC) et en chirurgie orthopédique vétérinaire (GECOV) de l'Afvac.