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10 décembre 2018
Plans B anti-ruptures. L'Anses mobilise les industriels et les vétérinaires sur les alternatives et la transparence
Le constat est unanime. Depuis quelques années, les ruptures fournisseurs de médicaments vétérinaires sont de plus en plus fréquentes, répétitives et — plus graves — préjudiciables à la médecine vétérinaire, voire à l'économie de toute une filière. Les causes sont connues mais parfois, souvent même, difficiles à combattre à court terme. Car la mondialisation a souvent conduit à délocaliser les productions de principes actifs ou même d'excipients hors de France et d'Europe. Environ 80 % des principes actifs des médicaments sont produits hors de l'Europe, principalement en Chine (la moitié du volume) et en Inde. Le Sénat vient de faire trente propositions pour, entre autres, relocaliser la production pharmaceutique en France et en Europe (voir LeFil du 16 novembre 2018). Mais, il ne s'agit pour le moment que d'incantations ou de vœux pieux. Rien ne permet de dire qu'ils seront exaucés. Et, si c'était le cas, cela ne pourrait l'être qu'à long terme à l'échelle de l'Union européenne.
Aujourd'hui, si un producteur chinois tousse, quelle qu'en soit la raison, « politique, industrielle, environnementale… », ce sont les Français et leurs animaux qui s'enrhument. La situation devient de plus en plus aiguë quand il n'y a plus qu'un seul fournisseur mondial d'une matière première incontournable et que celui-ci, situé loin en Asie, se trouve en difficulté. Pour un industriel aussi éloigné, le marché français n'est d'ailleurs pas forcément sa priorité. Cela est évidemment différent quand les sites de fabrication sont en Europe et, a fortiori, en France.
Même s'il est difficile, voire impossible, d'agir rapidement sur des causes très éloignées de notre hexagone, l'heure n'est plus à la résignation ni au fatalisme. L'Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) publie ainsi des « bonnes pratiques de gestion des ruptures de médicament vétérinaire » qui, si elles sont bien appliquées, par tous les acteurs, devraient permettre d'anticiper les ruptures. Elles devraient aussi éviter, autant que se faire se peut, les comportements qui les aggravent, comme le surstockage de précaution qui conduit à des ruptures en cascade. Ces bonnes pratiques reposent, avant toute chose, sur l'information « le plus en amont possible » d'un risque de rupture potentielle.
Il s'agit donc d'anticiper la pénurie pour qu'elle soit la moins douloureuse possible et pour préparer un plan B, un plan de substitution, si cela devient nécessaire. La clef de ces bonnes pratiques est donc la déclaration en amont, « le plus précocement possible », d'un risque de rupture, une information commerciale cruciale qu'il n'est pas toujours facile de partager.
Contrairement à la médecine humaine, il n'y a pas ou peu d'encadrement réglementaire pour éviter les ruptures de médicaments vétérinaires. Seules deux obligations s'appliquent, pour l'une, aux laboratoires et, pour la seconde, aux grossistes.
Les bonnes pratiques de l'Anses découlent des conclusions d'un groupe de travail avec les différents acteurs (industriels, centrales, vétérinaires) qui s'est réuni en 2018. Le document final a été soumis à l'approbation, entre autres, de l'Ordre des vétérinaires et des syndicats professionnels (industriels, centrales, vétérinaires…). Tous les acteurs ont manifesté « une réelle volonté de s'impliquer et d'apporter les meilleures solutions possible dans les situations critiques de rupture, et ce, dans un souci permanent et commun de santé animale et santé publique », souligne l'Anses sur son site (voir ce lien).
Les bonnes pratiques distinguent différentes catégories de rupture, définie comme « l'impossibilité pour un ayant droit de s'approvisionner sur le marché national en un médicament vétérinaire ». Car ses bonnes pratiques n'ont pas vocation à s'appliquer aux simples retards logistiques dans la livraison d'une centrale ou d'un vétérinaire. Si l'industriel dispose encore de stocks suffisants, la rupture sera vite résolue sans qu'il soit nécessaire d'intervenir.
L'Anses recommande donc aux grossistes de bien distinguer dans leur communication aux ayants droit sur leurs sites de commandes en ligne, les simples ruptures « logistiques » en l'attente d'une livraison en cours d'acheminement, des ruptures « fournisseurs ». Ces dernières sont qualifiées d'avérées, « lorsqu'il n'y a plus de stock dans l'ensemble du réseau de distribution ni chez le laboratoire exploitant ».
De même, ces bonnes pratiques ne s'appliquent, pour l'essentiel, qu'aux ruptures dites « critiques », c'est-à-dire, « susceptibles d'induire un risque pour la santé humaine, la santé et le bien-être des animaux ». Cette criticité est d'abord évaluée par le laboratoire puis validée par l'Anses à partir des critères suivants :
Une rupture sur un médicament de confort ou dont la part de marché est marginale, du fait de l'existence de très nombreux concurrents, ne nécessitera évidemment pas la même mobilisation que si le médicament est indispensable et « sans alternative disponible » ou avec un risque élevé de rupture en cascade chez les concurrents. Les organisations professionnelles (vétérinaires surtout…) pourront être sollicitées par l'Anses-ANMV pour apprécier l'impact sanitaire et économique d'une rupture pour une filière.
La première étape est donc pour l'industriel. L'Anses lui demande de lui « déclarer le plus en amont possible une rupture susceptible d'être critique ». Dans cette déclaration, l'industriel précise la cause et la durée prévue de la rupture s'il en a la connaissance, et son étendue si d'autres pays européens sont affectés. Selon ses parts de marché, il en analyse l'impact pour la santé animale et les risques de « ruptures en cascade ». Il identifie les alternatives possibles, notamment les stocks éventuels de médicaments à l'étranger qui pourraient être mobilisés.
L'industriel et l'Anses recherchent ensemble des solutions — un plan B — pour, si possible, éviter la rupture si la déclaration est faite suffisamment en amont, ou, y faire face si tous les stocks sont écoulés.
Un contingentement peut être décidé pour prolonger l'écoulement des stocks disponibles, ou en cas de livraisons partielles de stocks en quantités insuffisantes.
Le laboratoire « informe aussi les centrales sur un risque de rupture potentielle ». Les grossistes échangent régulièrement avec le laboratoire sur l'évolution de leurs stocks disponibles. En outre, les centrales sont aussi appelées à mettre en place les plans de contingentement des ayants droit, par exemple en plafonnant les quantités maximales livrées par structure vétérinaire, surtout lors d'un retour partiel du médicament sur le marché.
Les plans de substitution peuvent prévoir que l'Agence du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) valide des alternatives habituellement non disponibles en France. Les laboratoires peuvent ainsi obtenir de fournir aux ayants droit des médicaments sous autorisation temporaire d'utilisation (ATU), notamment des vaccins. L'agence peut aussi délivrer aux vétérinaires qui la solliciteraient des autorisations d'importation dans un but thérapeutique de médicaments autorisés dans un autre pays de l'Union Européenne. Le cas échéant, le vétérinaire sera donc encouragé à « initier des demandes d'importation auprès de l'Anses-ANMV de ces médicaments ». Une notice et un modèle de demande d'importation figurent sur ce lien.
Dans de tels cas exceptionnels, le laboratoire exploitant est autorisé à relayer cette information auprès de ses clients, alors que la publicité n'est évidemment pas permise pour les médicaments sous ATU ou importés dans un but thérapeutique.
La communication auprès des vétérinaires est un des points les plus sensibles. Car, si la transparence est nécessaire pour générer de la confiance, une communication mal maîtrisée, par exemple non associée à une mesure de contingentement, peut générer un surstockage de précaution et conduire, au final, à aggraver la pénurie, voire à provoquer des ruptures en cascade sur les alternatives.
Il est donc demandé au laboratoire, comme au grossiste, de « maîtriser leur communication, notamment auprès des forces de vente des laboratoires, afin d'éviter toute pratique commerciale qui pourrait aggraver la situation ».
Par conséquent, ce document demande aussi aux vétérinaires « d'éviter toute pratique de surstockage » pour ne pas déséquilibrer davantage le marché.
Dans la gestion de (pré)crise, la communication repose sur la transparence d'informations fiables. À l'avenir, l'Anses-ANMV signalera les « seules ruptures avérés critiques » en cours en rendant publiques :
Quatre causes de ruptures sont identifiées par l'Anses.
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