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19 novembre 2018

Resapath : le recul de la proportion de souches résistantes aux antibiotiques critiques s'est poursuivi en 2017 pour les chiens et chats

par Vincent Dedet

Temps de lecture  5 min

Évolution des proportions de souches d'E. coli résistantes aux céphalosporines de dernières générations (BLSE+) chez les carnivores domestiques de 2009 à 2017, avec mention de leur exposition moyenne (en ALEA) à ces molécules (Source : LeFil, d'après Resapath et ANMV-Anses 2018).
Évolution des proportions de souches d'E. coli résistantes aux céphalosporines de dernières générations (BLSE+) chez les carnivores domestiques de 2009 à 2017, avec mention de leur exposition moyenne (en ALEA) à ces molécules (Source : LeFil, d'après Resapath et ANMV-Anses 2018).
 

« Pour la première fois dans l'histoire du réseau, les chiens sont au premier rang des origines d'antibiogrammes transmis par les laboratoires d'analyses, avec 26 % des 56 286 résultats [colligés] en 2017 », a indiqué Marisa Haenni (Anses-Lyon) lors des rencontres scientifiques de l'Anses du 13 novembre dernier à Paris. Dans le bilan de l'activité 2017 du réseau d'épidémiosurveillance de l'antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Resapath), les chats arrivent à la 4e place avec 8,5 % des antibiogrammes (ABG) soumis. Deux laboratoires représentent 55 % des données des chiens.

Trois pathologies dominantes

Trois pathologies sont dominantes en canine : les otites (33 % des antibiogrammes canins), les pathologies urinaires et rénales (24 %) et les pathologies de la peau et des muqueuses (13 %). Chez les chats, les infections urinaires et rénales dominent (42 %), devant les infections respiratoires (13 %), les otites (12 %) et les affection cutanées et muqueuses (6 %). En fréquence de pathogènes, les staphylocoques à coagulase positive sont dominants chez les chiens (28 % des isolats) ; ils proviennent surtout des otites et des pathologies cutanées. Suivent les E. coli (19 %, infections urinaires), puis les Pseudomonas (11 %, majoritairement à partir d'otites). Chez les chats, c'est E. coli qui domine (infections urinaires), devant les staphylocoques à coagulase négative et les pasteurelles (13 % chacun).

Niveaux stables à réduits pour E. coli

Chez le chien, les souches d'E. coli issues d'infections urinaires et rénales ont des niveaux de résistance stables pour l'amoxicilline (33 % des souches) et l'association triméthoprime (TMP)-sulfamides (13 %). La résistance recule nettement pour les fluoroquinolones, à 7 %, ce qui est « au plus bas depuis 5 ans ». Globalement, les proportions de résistance des souches issues des infections dermatologiques « sont le plus souvent supérieures à celles observées en pathologie urinaire et rénale, alors qu'E. coli n'est pas la cause dominante de ces maladies. Ce constat pose la question d'un éventuel effet collatéral de traitements de pathologies de la peau et des muqueuses ciblant d'autres germes qu'E. coli (notamment Staphylococcus pseudintermedius) », préviennent les rapporteurs. Quant aux souches issues d'otites, elles ont une fréquence de résistance qui recule aussi, à 27 % pour l'amoxicilline, 2 à 5 % pour les C3/C4G et 4 à 5 % pour les fluoroquinolones. Chez le chat, « les proportions de résistance les plus élevées portent sur l'amoxicilline (28 %), son association avec l'acide clavulanique (26 %), la streptomycine (25 %), la tétracycline (18 %) » et l'association TMP-sulfamide (10 %). Elle est de 6 % pour les fluoroquinolones.

C3/C4G : le recul

Toujours pour E. coli, en 2017, la proportion la plus élevée de résistance aux céphalosporines de 3e et 4e générations (C3G/C4G), ayant un phénotype de résistance aux ß-lactamines à spectre étendu (BLSE+), est parmi les plus élevées chez les chiens (5,8 %, juste derrière les équidés, champions à 6,2 %). Elle est autour de 4 % chez le chat (4,1 %) et les bovins (3,6 %). Ces niveaux sont en lien avec l'exposition aux C3/C4G dans chacune de ces espèces : pour les carnivores domestiques, elle a été divisée par 3 entre 2011 et 2017 (voir l'illustration principale). Il reste que, dans l'ensemble des espèces – à l'exception des équidés – l'évolution est favorable. Chez le chien, « les plasmides trouvés [dans ces souches BLSE+ et qui hébergent les gènes de résistance] sont très souvent proches de ceux trouvés chez l'Homme ». Du fait des contacts étroits, « les niveaux de résistance observés chez le chien doivent donc tenir compte également d'une exposition par l'Homme et non uniquement des conséquences des traitements antibiotiques vétérinaires ».

Multirésistance en recul aussi

Enfin, également sur E. coli, les rapporteurs ont aussi, pour la première fois en 2017, réalisé une analyse des souches canines multirésistantes — c'est-à-dire résistantes à au moins trois antibiotiques appartement à des familles différentes (sur 5 testées dans l'ABG), dont deux dites critiques. La proportion de souches multirésistantes canines est en recul régulier, et de manière significative (p<0,0001), à 5,4 % en 2017 (voir le graphique ci-dessous).  C'est « globalement positif », même si « les résistances associées à la résistance au ceftiofur restent nombreuses et sont retrouvées dans des proportions souvent supérieures à celles estimées à partir des données globales issues du réseau ».

Évolution des proportions de souches cliniques multirésistantes d'E. coli entre 2011 et 2017 pour les différentes espèces animales (source : Resapath 2018).

 

SARM rassurants

Pour la première fois aussi en 2017, les rapporteurs ont pu séparer les staphylocoques dorés (S. aureus) du staphylocoque spécifique du chien, S. pseudintermedius dans les résultats d'antibiogrammes. Chez le chien, la proportion de S. aureus résistants à la méticilline (SARM), enjeu de santé publique en médecine humaine, est très faible (1-2 %). Parmi ces 1-2 %, la plupart sont des clones humains (donc transmis par le maître ou son environnement à l'animal) et leur fréquence est en recul depuis 2010. Chez les chats, la proportion des SARM est plus importante (jusque 18 % avant confirmation, mais confirmation rare). « Le SARM n'est donc pas une problématique chez les carnivores domestiques ». Mais les rapporteurs attirent toutefois l'attention sur le fait qu'au sein des souches canines de SARM, la proportion de celles appartenant au type CC398 (associé au bétail et zoonotique) semble en augmentation.

SPRM à surveiller

En revanche, le gène mecA (qui confère la résistance à toutes les ß-lactamines, mise en évidence par la céfoxitine mais autrefois par la méticilline) est retrouvé de façon importante chez S. pseudintermedius (15-20 % des souches résistantes, SPRM). Ce pathogène représente « un réel problème en médecine canine », qui « place les vétérinaires face à des impasses thérapeutiques », indique Marisa Haenni. « Cette résistance est très mal détectée par la céfoxitine » et les rapporteurs recommandent de lui substituer la céfovécine dans l'antibiogramme. La proportion de résistance observée pour la céfovécine chez S. pseudintermedius est de 8 % dans les otites et 12 % dans les pathologies de la peau et muqueuses. L'analyse de 200 souches de SPRM montre que « la structure de cette population est en cours de modification », avec un clone (ST71) très présent en Europe, qui semble en régression (48 % des SPRM français en 2015 contre 62 % en 2012), mais aussi l'émergence d'un clone scandinave, ST258. Et tout récemment, l'identification d'un clone d'origine australienne, ST496, « hyper-résistant ». Par ailleurs, bien que non zoonotique, S. pseudintermedius peut passer à l'Homme de manière sporadique. Or une étude d'universitaires lyonnais réalisée in vitro montre que « ce staphylocoque a une capacité d'adhésion très élevée à la surface des cellules des jonctions ostéo-articulaire, supérieure même à celle de S. aureus. L'adaptation à l'Homme de souches de S. pseudintermedius pourrait alors déboucher sur un problème majeur ». D'où l'importance de « surveiller les SPRM ».