titre_lefil
logo_elanco

18 octobre 2018

Un crossmatch est recommandé avant toute transfusion de sang chez le chat, même la première

par Agnès Faessel

Temps de lecture  4 min

Selon les observations de cette nouvelle étude, le développement d'une incompatibilité post-transfusion est rapide, en 2-3 jours seulement et même 24h chez un chat (cliché Pixabay).
Selon les observations de cette nouvelle étude, le développement d'une incompatibilité post-transfusion est rapide, en 2-3 jours seulement et même 24h chez un chat (cliché Pixabay).
 

Quel est le risque de ne pas faire de crossmatch avant une transfusion sanguine chez le chat ? Il est suffisamment élevé – y compris lors d'une première transfusion – pour déconseiller cette pratique, selon les résultats d'une nouvelle étude.

Les seuls freins à ce test de compatibilité préalable sont le coût qu'il représente et le temps passé, qui retarde la réalisation de la transfusion. Des arguments qui s'effacent devant l'importance de l'efficacité de la transfusion et de sa sécurité (risque de réaction hémolytique), selon les auteurs des recherches : des cliniciens de l'école vétérinaire de Philadelphie (USA). Ceux-ci publient leurs résultats en libre accès dans le JVIM (article publié en ligne le 11 octobre).

Des chats quasi tous du groupe A

L'étude, rétrospective, a initialement inclus 300 chats pris en charge à l'hôpital vétérinaire de l'établissement sur une période de 4 ans (2013-2016). Ces chats étaient à 96 % du groupe sanguin A (287/300). Seuls 10 étaient du groupe B (3 %) et 3 du groupe AB (moins de 1 %).

Une transfusion de sang était mentionnée dans le dossier de 277 chats, dont 214 pour qui le traitement a été réalisé après un test de compatibilité (crossmatch majeur et mineur). Parmi ces 277 chats transfusés, 220 l'étaient pour la première fois. Les 57 cas ayant déjà été transfusés par le passé ont tous fait l'objet d'un test de compatibilité avant la transfusion étudiée. 4 autres chats ayant fait l'objet d'un crossmatch (sans mention de transfusion ultérieure) ont été joints à l'effectif.

Outre le groupe sanguin et le résultat des tests, l'historique médical du chat et sa survie à court et moyen terme (2 mois) étaient renseignés. Le sang utilisé pour les transfusions était issu de la banque de sang propre à l'hôpital, sauf en cas de pénurie (banque extérieure).

40 cas d'incompatibilité

Exclusion faite des quelques cas incomplets ou pour lesquels les résultats des tests sont ininterprétables, l'étude a finalement porté sur 212 chats chez qui un crossmatch majeur a été réalisé :

  • 154 transfusés pour la 1e fois,
  • 55 déjà transfusés par le passé,
  • 3 sans historique de transfusion.

Les résultats montrent alors que dans plus de 8 cas sur 10, le sang de l'animal à transfuser est compatible avec celui du (ou des) donneur(s) testé(s). Mais pour 40 chats, soit près d'1 cas sur 5, une incompatibilité est observée (avec au moins 1 donneur).

Plus précisément, une telle incompatibilité existe chez 15 % des chats transfusés pour la première fois – ce qui reste élevé –, et beaucoup plus souvent chez les autres (27 %).

Un crossmatch mineur a également été réalisé chez 210 chats. Il révèle 11 cas d'incompatibilité (dont 5 qui ne présentaient pas d'anomalie au test majeur).

Des effets indésirables mais une survie égale à terme

L'efficacité et les complications de la transfusion ont été analysées pour 249 chats (transfusés en traitement d'une anémie) : 167 après un crossmatch et 82 sans test préalable. L'hématocrite mesuré avant traitement était de 15 % en médiane, sans différence significative entre les 2 groupes. Et les volumes transfusés (5,3 ml/kg en médiane) ne présentaient pas non plus de variation significative.

L'hématocrite post-transfusion remonte à 20 % en médiane. Étonnamment, l'augmentation de l'hématocrite n'est pas meilleure dans le groupe des chats préalablement testés. Elle est même légèrement inférieure : +5 % en médiane contre +6 % (différence significative). Et sur la durée entière de l'hospitalisation (certains chats ont reçus plusieurs transfusions), le volume total transfusé est supérieur chez eux (6,7 ml/kg vs 5,7 ml/kg). Des observations sans « explication logique », selon les auteurs de l'étude, qui rappellent toutefois que de nombreux facteurs influencent la progression de l'hématocrite.

Au plan de la tolérance en revanche, le groupe des non-testés comprend davantage de cas d'hyperthermie réactionnelle à la transfusion (non hémolytique) : 10 % contre 2,5 %. Et deux chats de ce groupe ont également présenté des complications mortelles (arrêt cardio-respiratoire).

Néanmoins, la réalisation d'un crossmatch au préalable n'augmente pas les chances de survie à terme : à l'issue de l'hospitalisation, puis après 30 et 60 jours (les trois quarts des chats ont survécu dans cette étude).

Une incompatibilité post-transfusionnelle dès 24h

Chez 43 chats, un second crossmatch a été effectué dans les 15 jours suivant le premier, en vue d'une nouvelle transfusion. Et les résultats montrent l'apparition d'une incompatibilité chez 7 d'entre eux (16 %), y compris vis-à-vis du même donneur pour 4. Ce phénomène est connu, et la recommandation usuelle est d'effectuer systématiquement un test chez des chats déjà transfusés quelques jours auparavant (4 jours ou davantage). La présente étude indique toutefois que cette incompatibilité se développe plus rapidement, en 2-3 jours, et seulement 24h pour un chat.

Les auteurs concluent qu'un crossmatch est nécessaire avant toute transfusion sanguine dans l'espèce féline, y compris avant une première transfusion au vu de la proportion élevée d'incompatibilités détectées avec le sang du donneur chez ces chats (15 %).