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8 octobre 2018

APE. Elanco mise sur un petit comprimé Credelio° Chat pour détrôner la suprématie des spot-on chez les chats

par Eric Vandaële

Temps de lecture  7 min

Dans un premier temps, seule la boîte de 6 comprimés dosés à 48 mg (2 à 8 kg) sera commercialisée à partir de début novembre.
Dans un premier temps, seule la boîte de 6 comprimés dosés à 48 mg (2 à 8 kg) sera commercialisée à partir de début novembre.
 

Et si les propriétaires de chats préféraient leur donner un petit comprimé antiparasitaire externe plutôt qu'un spot-on ? Et si les freins à la prise d'un comprimé chez le chat étaient davantage dans la tête des vétérinaires que dans celle des propriétaires ?

Elanco décline pour les chats une version de ces comprimés Credelio° lancés l'an dernier chez les chiens (voir LeFil du 31 août 2017). C'est la première gamme de comprimés pour chats contenant une isoxazolidine.

En 2011, le laboratoire avait été le premier à proposer avec succès chez les chiens des comprimés mensuels antipuces à base de spinosad (Comfortis°) dans un marché dominé alors par les pipettes. Le succès de cette galénique a conduit au développement des gammes de comprimés d'isoxazolidines chez les chiens : Bravecto° (MSD, fluralaner) et Nexgard° (BI-Merial, afoxolaner) dès 2014, Simparica° (Zoetis, sarolaner) en 2016 avant Credelio° chiens fin 2017.

Aujourd'hui, Elanco espère de nouveau chambouler le marché des spot-on, cette fois chez les chats, en leur proposant des tout petits comprimés appétents et « faciles à prendre ». Il est vrai que lorsque Bayer a lancé en 1985 le premier spot-on antiparasitaire externe (c'était Tiguvon° à l'époque), son application apparaissait beaucoup plus facile que les seules formes topiques APE disponibles, difficiles d'emploi et peu rémanentes : les shampooings, les poudres, les aérosols bruyants. Il existait bien des colliers rémanents à base d'organophosphorés, mais ils n'avaient pas bonne réputation… surtout chez les chats.

Les spot-on incompatibles avec les caresses

Depuis les années quatre-vingt, des inconvénients sont apparus pour les spot-on.

  • L'application n'apparaît pas aussi facile que l'on pouvait le croire au début. Malgré des pipettes plus ergonomiques les unes que les autres, il n'est pas si facile de l'appliquer correctement sur la peau et non sur le pelage, sans s'en mettre sur les doigts. Il faut souvent être deux pour bien appliquer un spot-on à chat, une personne pour l'empêcher de fuir, la seconde pour bien écarter les poils d'une main pendant que l'autre presse la pipette pour en faire au mieux sortir le liquide sur la peau. On s'en met forcément un peu sur les doigts.
  • Le risque pour les utilisateurs, et surtout les enfants qui dorment avec leurs chats sur l'oreiller, est désormais beaucoup mieux évalué par les agences d'évaluation. Et contrairement à ce que l'on pouvait croire, le taux de transfert de l'animal à l'homme de ces insecticides rémanents n'apparaît pas si négligeable, surtout si l'on caresse l'animal dans les douze heures qui suivent l'application (voir LeFil du 25 juillet 2016).
  • 53 % des chats dorment sur le lit de leurs propriétaires ! 70 % montent sur les genoux et autant sur les canapés pour se faire caresser selon une étude auprès de cent propriétaires de chats. 21 % montent même sur la table pendant les repas. Pour éviter de contaminer les enfants et les utilisateurs, il est désormais recommandé de ne traiter l'animal par un spot-on que le soir pour éviter les caresses dans les 12 heures suivantes et, évidemment, de ne pas le laisser dormir sur le lit cette nuit-là. Pour certains spot-on, depuis cet été Bravecto°, le port de gants jetables est recommandé pour éviter que produit ne colle aux doigts.
  • En outre, chez les chats, l'application présente souvent quelques inconvénients mineurs voire « cosmétiques » : des poils collants par exemple. Néanmoins, certains propriétaires y sont davantage sensibles qu'il n'y paraît.
  • Plus gênant, l'application de topiques spot-on n'est pas recommandée chez un animal présentant une affection cutanée.
  • Enfin, 43 % des propriétaires des chats sont multipossesseurs. Et il convient donc d'éviter que les animaux, qui souvent dorment ensemble, ne se lèchent dans les douze heures qui suivent l'application.

Les propriétaires de chats n'ont pas peur des comprimés

Ces inconvénients ne sont évidemment pas ceux des comprimés dont l'action reste systémique. Néanmoins, « faire avaler un comprimé à un chat » peut faire peur… Mais pas tant que cela, selon l'étude auprès des cent propriétaires de chats dévoilée par Elanco lors de conférence de presse de lancement. Plus d'un propriétaire sur trois (35 %) préférerait donner un comprimé plutôt qu'un spot-on. C'est beaucoup. 56 % se déclarent prêts à essayer sans exprimer de préférence pour le comprimé. Seulement 9 % ne sont pas intéressés par un comprimé APE.

Plus surprenant encore, la même étude révèle que 14 % des propriétaires n'ont « jamais réussi à appliquer un spot-on à leur chat ». C'est deux fois plus que les 7 % qui n'ont « jamais réussi à administrer un comprimé ». 41 % arrivent même à faire « prendre un comprimé à leur chat sans problème » contre 28 % des chats qui acceptent les spot-on sans se défendre, s'enfuir ou se lécher après l'application. Les comprimés sont toutefois rarement pris spontanément par le chat (11 %) ou placés dans la bouche (14 %). Le plus souvent, dans 60 % des cas, ils sont dissimulés dans de la nourriture ou dans une friandise.

100 % de prises pour Credelio° chat dans les études terrain.

Elanco souligne alors l'appétence des petits comprimés Credelio° chats, seulement 5 mm pour le petit dosage de 18 mg destiné aux chats de 500 g à 2 kg, 7,5 mm pour le dosage à 48 mg pour les chats jusqu'à 8 kg. Dans un premier temps, seul le dosage à 48 mg sera commercialisé. Les facteurs d'appétence (vanille et levures) sont spécifiques aux chats et correspondent à ceux de Fortekor° Chats.

Dans l'essai terrain sur trois mois sur 211 chats, 629 prises au total, presque la moitié des comprimés (48 %) ont été avalés spontanément par les chats sans être mélangés de la nourriture. Le comprimé était pris dans un bol vide ou sur le sol (38 %) ou présenté dans la main (10 %). En l'absence de prise spontanée sans nourriture, le protocole de l'étude clinique obligeait de tenter d'abord de faire avaler le comprimé en le plaçant dans la bouche. Ce mode d'administration correspond à 29 % des prises dans cette étude. En dernier lieu, les comprimés restants (23 %) ont été ingérés en étant mélangés dans de la nourriture. Au final, les 211 propriétaires ont toujours réussi à faire ingérer à leurs chats les comprimés une fois par mois pendant trois mois, soit 100 % des 629 prises.

Une biodisponibilité de 100 % dans la nourriture

En pratique, il sera sans doute plus facile de mélanger le comprimé avec un peu de nourriture. Car, pour des raisons de biodisponibilité, il est indispensable que le comprimé soit ingéré avec un aliment (ou juste après un repas). La biodisponibilité est de 106 % avec le repas contre 8 % chez le chat à jeun. Une biodisponibilité de plus de 100 % caractérise souvent un cycle entérohépatique. L'élimination est d'ailleurs principalement biliaire sous forme inchangée dans les fèces. La demi-vie d'élimination est d'environ 30 jours chez les chats comme pour les chiens. Mais, elle est plus rapide chez les chatons âgés de 8 semaines (environ 7 jours).

La posologie minimale (≥ 6 mg/kg) est beaucoup plus faible que chez les chiens (≥ 20 mg/kg). Elle s'appuie sur des analyses PK/PD (pharmacocinétique-pharmacodynamie) originales pour les APE.

  • Contre Ixodes ricinus, l'analyse PK/PD conclut à une dose minimale de 5,5 mg/kg pour maintenir des concentrations plasmatiques efficaces pendant au moins 30 jours : > 90 % d'efficacité contre cette tique sur 75 % des chats.
  • Contre les puces, plus sensibles que les tiques, la dose minimale est seulement de 3 mg/kg pour tuer 95 % des puces pendant au moins 30 jours sur 75 % des chats.

Des essais en infestations expérimentales et les essais terrain en Europe ont ensuite confirmé l'efficacité de cette posologie. En infestations expérimentales,

  • 98,8 % des puces et des tiques présentes au moment de la prise du comprimé sont tuées en 8 heures pour les puces et 18 heures pour les tiques (Ixodes ricinus).
  • Un mois plus tard, lors de réinfestations, 99,7 % des puces sont tuées en 12 heures et 98,9 % des tiques (Ixodes ricinus).

« Aucun effet indésirable » même en surdosage à 130 mg/kg

Comme pour les chiens, « aucun effet indésirable connu » n'est mentionné dans le résumé officiel des caractéristiques du produit (RCP) approuvé par l'Agence européenne du médicament. Même en surdosage sur des chatons âgés de 8 semaines traités jusqu'à 130 mg/kg pendant huit mois consécutifs, « aucun effet indésirable n'a été observé » ajoute le RCP.

Dans les essais terrain, « aucune interaction n'a été observée » chez les chats traités par de nombreux autres médicaments ou vaccins (au nombre de 80 au total dans ces essais).

Lancement commercial début novembre

Dans un premier temps, seuls les comprimés à 48 mg seront commercialisés en boîte de six comprimés à partir de début novembre. Ces comprimés sont fabriqués en France à l'usine d'Huningue. La France sera aussi le premier pays dans le monde à commercialiser ces comprimés.

Comparaison des caractéristiques RCP des comprimés Credelio° à base de lotilaner chez les chiens et les chats

D'après des données publiées par l'Agence européenne du médicament (EMA)